Trente ans après sa création, la Police nationale d’Haïti célèbre son anniversaire dans un contexte où la sécurité reste le défi majeur du pays. Ce jeudi 12 juin, une cérémonie solennelle à l’École nationale de Police a rassemblé les plus hautes autorités de l’État, témoignant de la volonté politique de redorer le blason d’une institution qui peine à remplir sa mission face à la montée de l’insécurité. Un moment symbolique qui soulève autant d’espoirs que de questionnements sur l’avenir sécuritaire d’Haïti.
Une célébration sous haute tension sécuritaire
L’amphithéâtre de l’École nationale de Police a accueilli ce jeudi une cérémonie marquant les trois décennies d’existence de la PNH, créée le 29 novembre 1994. Le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé, accompagné des conseillers présidentiels Leslie Voltaire, Smith Augustin et Edgard Leblanc Fils, a tenu à marquer de sa présence cette commémoration présidée par l’archevêque de Port-au-Prince, Monseigneur Max Leroy Mésidor.
Cette célébration intervient dans un contexte particulièrement délicat pour l’institution policière. Alors que les gangs contrôlent désormais plus de 60% du territoire métropolitain et que l’insécurité s’étend dans les départements, la PNH se trouve en première ligne d’une bataille qu’elle mène avec des moyens limités face à des adversaires suréquipés.
La présence des officiers de la Mission multinationale de soutien (MSS) lors de cette cérémonie rappelle cruellement que la police haïtienne ne peut plus assurer seule la sécurité du pays. Pour nos compatriotes vivant à l’étranger, cette réalité fait écho aux nouvelles alarmantes qui parviennent quotidiennement de la mère-patrie, où se rendre d’un quartier à l’autre relève parfois du parcours du combattant.
« Protéger et servir » : une devise mise à rude épreuve
Depuis sa création, la PNH a pour devise « Protéger et servir ». Une mission noble que les policiers tentent d’honorer malgré des conditions de travail difficiles. Le directeur général par intérim, Rameau Normil, dirige une institution qui compte aujourd’hui près de 15 000 agents, un effectif jugé insuffisant pour un pays de plus de 11 millions d’habitants.
Le Premier ministre, en sa qualité de président du Conseil supérieur de la Police nationale, a rendu hommage aux policiers tombés dans l’exercice de leurs fonctions. Ces dernières années, de nombreux agents ont payé de leur vie leur engagement à servir la nation. Des noms comme celui de l’inspecteur Guerby Geffrard, assassiné en plein centre-ville, ou encore les policiers tués lors des attaques contre les commissariats, résonnent douloureusement dans la mémoire collective.
Cette réalité touche particulièrement les familles de policiers, dont beaucoup ont des proches dans la diaspora haïtienne aux États-Unis, au Canada ou en France. Ces familles vivent dans l’angoisse permanente, sachant que leurs proches partent chaque matin au travail sans garantie de rentrer le soir.
Un pilier de l’État à reconstruire
Placée sous la tutelle du ministère de la Justice et de la Sécurité publique, la PNH demeure théoriquement « un pilier central de la sécurité nationale et de la restauration de l’autorité de l’État », selon les termes du communiqué officiel. Mais la réalité du terrain montre une institution fragilisée, manquant de ressources et confrontée à des défis qui dépassent ses capacités.
Les autorités ont réaffirmé leur engagement à « rétablir un climat sécuritaire favorable au bien-être des citoyens ». Cette promesse, entendue à maintes reprises ces dernières années, suscite un mélange d’espoir et de scepticisme dans la population. Pour les Haïtiens de la diaspora qui envisagent de rentrer au pays ou d’y investir, la question sécuritaire reste le critère déterminant.
L’évocation du référendum constitutionnel et des élections à venir souligne l’enjeu démocratique lié à la sécurité. Comment organiser des élections libres et transparentes dans un pays où les gangs dictent leur loi dans de nombreuses zones ? Cette question hante les observateurs internationaux et les citoyens haïtiens.
L’avenir de la sécurité en question
À l’heure où Haïti traverse l’une des crises sécuritaires les plus graves de son histoire moderne, le 30e anniversaire de la PNH tombe à un moment charnière. L’institution doit se réinventer, se professionnaliser davantage et retrouver la confiance de la population.
Pour nos compatriotes qui suivent la situation depuis l’étranger, cette commémoration pose une question fondamentale : la PNH pourra-t-elle redevenir le rempart efficace contre l’insécurité que le pays mérite ? La réponse dépendra non seulement de la volonté politique des dirigeants, mais aussi du soutien de la communauté internationale et de la mobilisation de tous les secteurs de la société haïtienne.
Car au-delà des discours et des cérémonies, c’est l’avenir même d’Haïti qui se joue dans cette bataille pour la sécurité. Une bataille où chaque policier qui honore sa devise « Protéger et servir » mérite notre reconnaissance et notre soutien.