De Port-au-Prince à Milot en passant par le Cap-Haïtien, une semaine exceptionnelle rend hommage aux sept décennies du compas direct. Plus qu’une fête, c’est un projet ambitieux pour structurer l’industrie musicale haïtienne et transmettre ce patrimoine aux nouvelles générations.
Le rythme qui unit tous les Haïtiens
Peu importe où vous vous trouvez dans le monde, dès que résonnent les premières notes d’un compas, votre cœur se met à battre au rythme d’Haïti. Soixante-dix ans après sa création par le visionnaire Nemours Jean-Baptiste, ce genre musical demeure l’âme sonore de notre nation.
C’est pour célébrer cet héritage exceptionnel que l’organisation « Initiative Pro Media » a lancé, ce lundi 21 juillet à l’hôtel NH El Rancho, une semaine nationale aux allures de grande fête populaire. Sous le thème créole « Gad devan : Onore, Ankadre, Bati pou demen » (Regarder devant : Honorer, Encadrer, Bâtir pour demain), l’événement ambitionne de réconcilier passé et futur.
Plus qu’une célébration, une révolution culturelle
Jean Mary Simon, l’un des initiateurs, l’a dit avec justesse : « Soixante-dix ans, c’est le moment de rendre hommage, mais aussi de réfléchir à ce que nous voulons pour demain. » Car cette semaine ne se contente pas de nostalgie. Elle pose les jalons d’une véritable industrie musicale haïtienne.
Le programme déployé sur trois villes illustre cette vision moderne. À Port-au-Prince, le 22 juillet, une conférence cruciale réunira le ministère du Commerce, le Bureau haïtien des droits d’auteur et les promoteurs culturels. Objectif : poser les fondations juridiques et économiques d’un secteur musical structuré.
Le Nord à l’honneur
Le Cap-Haïtien ne sera pas en reste. Le 25 juillet, la perle du Nord accueillera une réflexion passionnante entre le ministère du Tourisme et les acteurs économiques locaux sur le thème « Compas et tourisme événementiel ». Une approche qui pourrait transformer nos festivals en véritables moteurs de développement économique.
Imaginez les retombées si chaque carnaval, chaque festival de compas devenait un événement international attirant touristes et investisseurs ! C’est exactement la vision que portent les organisateurs.
Le grand final à Sans-Souci
Mais c’est à Milot, le 26 juillet, que l’émotion atteindra son paroxysme. Dans le cadre majestueux du Palais Sans-Souci, de jeunes talents du Cap-Haïtien offriront un concert orchestral inédit, revisitant les grands classiques du compas. Un spectacle chorégraphique mettra également en lumière la danse compas, trop souvent oubliée malgré sa richesse expressive.
Quel symbole puissant que ce mariage entre notre patrimoine architectural et musical ! Sans-Souci résonnera des mélodies qui ont bercé des générations d’Haïtiens.
L’hommage à un génie méconnu
La soirée de lancement a été marquée par l’intervention émouvante du professeur Richard Devil, qui a retracé le parcours exceptionnel de Nemours Jean-Baptiste. De coiffeur modeste à créateur d’un genre musical qui traverse les océans, l’histoire de cet autodidacte de génie force l’admiration.
Devil a d’ailleurs lancé un appel symbolique : le nom de Nemours Jean-Baptiste mériterait d’orner une grande artère du pays. Une reconnaissance tardive mais nécessaire pour celui qui a offert au monde l’un des rythmes les plus entraînants de la planète.
La relève assure
Pour clôturer cette soirée inaugurale, c’est la jeune formation Chwam qui s’est produite, démontrant avec brio que le compas continue de séduire les nouvelles générations. Une performance qui prouve que ce genre, loin d’être figé dans le passé, évolue et se réinvente constamment.
Un patrimoine vivant pour l’avenir
Cette semaine de célébration dépasse largement le cadre commémoratif. Elle s’impose comme un véritable manifeste pour l’avenir de notre culture. Car le compas, c’est bien plus qu’une musique : c’est un lien indéfectible entre tous les Haïtiens, qu’ils vivent à Port-au-Prince, New York, Paris ou Montréal.
Alors que notre pays traverse des moments difficiles, cette initiative rappelle que nous possédons des trésors capables d’unir, de consoler et de projeter une image positive d’Haïti à travers le monde. Le compas a 70 ans, mais il n’a jamais été aussi jeune et porteur d’espoir.