Plus de 1000 participants ont convergé vers Port-au-Prince ce jeudi 27 juin pour le premier Sommet national sur l’intelligence artificielle. Entre ambitions technologiques et défis structurels, les autorités haïtiennes dessinent les contours d’une révolution numérique portée par la jeunesse du pays.
À l’hôtel Karibe de Port-au-Prince, l’atmosphère était électrique ce jeudi. Pour la première fois dans l’histoire d’Haïti, un sommet entièrement consacré à l’intelligence artificielle rassemblait les forces vives du pays. Baptisé « Ayiti IA 2025 », cet événement organisé par la Banque de la République d’Haïti (BRH), le ministère de l’Économie et des Finances, Group Croissance, le PNUD et Kenari, a réuni plus de 700 participants venus de tous horizons.
Une vision ambitieuse face aux défis structurels
« Pour Haïti, l’IA représente une opportunité stratégique : celle de dépasser certaines contraintes, de moderniser nos institutions, et d’accélérer notre développement », a déclaré le Gouverneur de la BRH dans un discours qui a donné le ton de cette journée historique.
Cette vision n’est pas qu’un vœu pieux. Dans un pays où 60% de la population a moins de 25 ans, l’intelligence artificielle pourrait bien être le catalyseur d’une transformation que beaucoup d’Haïtiens, qu’ils vivent à Port-au-Prince, Cap-Haïtien ou dans la diaspora de Miami et Montréal, espèrent depuis longtemps.
Des annonces concrètes qui changent la donne
Le sommet n’a pas été qu’un exercice de style. Plusieurs annonces majeures ont été dévoilées :
Le Conseil National de l’Intelligence Artificielle en Haïti (CNIAH), composé de 9 membres, verra le jour grâce à une initiative conjointe du PNUD, de la BRH et du ministère de l’Économie et des Finances. Cette instance aura pour mission d’orienter et de coordonner la stratégie nationale en matière d’IA.
Le Fonds de l’Intelligence Artificielle en Haïti (FIAH) représente peut-être l’annonce la plus concrète. Ce fonds, également porté par le trio PNUD-BRH-MIF, financera des projets technologiques inclusifs, donnant enfin aux jeunes entrepreneurs haïtiens les moyens de leurs ambitions.
De son côté, le PNUD s’apprête à lancer une proposition spécifiquement dédiée à la jeunesse et aux startups, promettant un écosystème plus favorable à l’innovation.
La révolution administrative en marche
Alfred Metellus, ministre de l’Économie et des Finances, a été particulièrement concret sur les applications immédiates de l’IA dans l’administration haïtienne. « L’intelligence artificielle peut nous aider à franchir les blocages du passé, notamment en matière de réforme administrative, de croissance économique et de digitalisation des services publics », a-t-il affirmé.
Concrètement, cela signifie bientôt : paiement des impôts en ligne, amélioration de la transparence douanière, et mise en place d’un État plus efficace. Pour les Haïtiens habitués aux longues files d’attente dans les administrations, ces changements pourraient transformer leur quotidien.
Une jeunesse au cœur du projet
Le message est clair : cette révolution technologique mise tout sur la jeunesse haïtienne. « Si nous donnons à cette jeunesse les outils nécessaires : formation, encadrement, infrastructure, elle fera de l’IA un levier de transformation économique et sociale », a plaidé le Gouverneur de la BRH.
Cette approche résonne particulièrement dans un pays où les jeunes diplômés sont souvent contraints à l’exil faute d’opportunités locales. L’IA pourrait-elle inverser cette tendance et retenir les talents sur le territoire national ?
Des défis de taille à relever
Reste que les obstacles sont considérables. Faible connectivité internet, ressources limitées, exode des cerveaux : les défis structurels d’Haïti ne disparaîtront pas du jour au lendemain. C’est pourquoi les organisateurs insistent sur la nécessité d’une mobilisation collective impliquant institutions publiques, secteur privé, société civile et universités.
L’enjeu de la souveraineté numérique a également été soulevé. Dans un monde où les géants technologiques dictent souvent leurs règles, Haïti entend développer une gouvernance de l’IA respectueuse des droits humains et ancrée dans les priorités nationales.
Ayiti IA 2025 marque-t-il le début d’une nouvelle ère pour Haïti ? Entre promesses technologiques et réalités socio-économiques, le pays semble déterminé à ne pas rater le train de la révolution numérique. Reste à voir si cette ambition se traduira par des changements concrets dans la vie quotidienne des 11 millions d’Haïtiens. Une chose est sûre : la jeunesse haïtienne, qu’elle soit à Port-au-Prince ou dans la diaspora, a désormais une feuille de route pour construire l’Haïti de demain.