Malgré une situation sécuritaire dégradée qui frappe particulièrement l’Ouest et l’Artibonite, près de 187 000 élèves haïtiens ont entamé lundi leurs examens de fin de cycle fondamental. Entre relocalisations d’urgence et mobilisation générale, le système éducatif haïtien fait preuve d’une résilience remarquable.
C’est dans un contexte pour le moins compliqué que 187 419 jeunes Haïtiens ont pris place ce lundi 30 juin dans les salles d’examen à travers les dix départements du pays. Alors que les gangs continuent de semer la terreur dans plusieurs régions, particulièrement dans l’Ouest et l’Artibonite, le ministère de l’Éducation nationale (MENFP) a dû faire preuve d’une ingéniosité sans précédent pour garantir le droit à l’éducation.
L’Ouest : un département sous pression mais organisé
Dans le département de l’Ouest, épicentre de la crise sécuritaire, les autorités éducatives ont transformé l’épreuve en véritable opération logistique. « Il n’y a pas de soucis pour les candidats qui résidaient dans les zones rouges », a rassuré Etienne Louisseul France, directeur départemental d’éducation de l’Ouest, lors d’une visite au lycée Horatius Laventure à Delmas 75.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 18 centres d’examens ont été spécialement mobilisés à Delmas pour accueillir les élèves de Port-au-Prince, tandis que Tabarre a ouvert ses portes aux candidats de la Croix-des-Bouquets. Les élèves de Kenscoff, eux, ont été transférés à Thomassin. Une gymnastique administrative qui témoigne de la détermination des autorités à ne laisser aucun enfant sur le bord de la route.
Au lycée Horatius Laventure, sur 350 candidats attendus, 336 ont répondu présent – un taux de participation de 96% qui en dit long sur la motivation des jeunes Haïtiens. « C’était facile. Il suffisait d’étudier. Je crois que je réussirai », témoigne une candidate du Lycée national de Pétion-Ville, où 650 élèves ont planché sur leurs épreuves.
L’Artibonite : quand l’éducation défie les gangs
Dans le bas Artibonite, territoire sous l’emprise des gangs Gran Grif de Savien et Kokorat san ras de La Croix-Périsse, l’organisation des examens relevait du défi. Pourtant, 8 399 candidats ont pu composer normalement, répartis entre Saint-Marc (5 407 élèves), Verrettes (1 492), Petite-Rivière (1 086), La Chapelle (278) et Liancourt (136).
La stratégie ? Adapter et déplacer. Les élèves de Marchand Dessalines ont été dirigés vers les Gonaïves « pour des raisons stratégiques », tandis que ceux de La Chapelle ont été transférés à Deslandes. Une approche pragmatique qui a permis d’ouvrir des centres d’examens jusque dans les zones les plus reculées : Bois 9, Bocozelle, Pont-Sondé et Haut de Saint-Marc.
Un élan national malgré les défis
Partout ailleurs dans le pays, la mobilisation a été au rendez-vous. Aux Gonaïves, 151 centres d’examens ont fonctionné sans incident majeur. Dans le Nord-Est, 7 846 élèves sur 8 026 inscrits se sont présentés – un taux de participation de 97,7%. Le Sud-Est n’est pas en reste avec 10 272 candidats répartis dans 43 centres d’examens.
Le ministre Augustin Antoine, en visite dans les centres d’examens, s’est dit « satisfait de cette première journée ». Un optimisme partagé par les acteurs de terrain qui ont salué la « synergie » entre responsables éducatifs, autorités locales, forces de l’ordre et parents.
L’éducation, un acte de résistance
Ces examens de 9e année fondamentale, qui se déroulent jusqu’au 3 juillet, sont bien plus qu’une simple évaluation scolaire. Ils représentent un acte de résistance face à l’adversité, la preuve que l’éducation reste une priorité absolue pour les familles haïtiennes, qu’elles soient sur le territoire national ou dans la diaspora.
Dans un pays où l’avenir semble parfois incertain, ces 187 000 jeunes qui ont pris place derrière leur pupitre incarnent l’espoir d’une génération qui refuse de baisser les bras. Leur détermination, soutenue par l’ingéniosité des autorités éducatives, rappelle que l’éducation demeure l’arme la plus puissante contre l’obscurantisme et la violence.
Les résultats de ces examens, attendus dans les prochaines semaines, diront si cette mobilisation exceptionnelle aura porté ses fruits. En attendant, Haïti peut être fière de ses enfants et de tous ceux qui, dans l’ombre, ont rendu possible cette victoire de l’éducation sur la peur.