Les bandits de « Viv ansanm » ont incendié le sous-commissariat de Furcy et reprennent le contrôle de 75% de Kenscoff. Une situation alarmante qui fait craindre le pire pour cette commune stratégique des hauteurs de la capitale haïtienne.
La nuit du 11 au 12 juillet 2025 restera marquée d’une pierre noire dans l’histoire récente de Kenscoff. Des membres armés de la coalition criminelle « Viv ansanm » ont lancé une offensive d’envergure, réduisant en cendres le sous-commissariat de Furcy et reprenant le contrôle de vastes portions de cette commune montagneuse qui surplombe Port-au-Prince.
Une attaque coordonnée qui fait trembler la montagne
L’assaut n’a pas été un coup isolé. Selon le maire Masillon Jean, qui s’est confié au Nouvelliste, les bandits ont mené « une attaque de grande ampleur » touchant simultanément plusieurs positions policières. À Ka-Blain, près de l’école Soleil de Hollande, les forces de l’ordre ont dû abandonner leurs positions après plus de cinq heures d’affrontements acharnés.
« Les bandits avaient l’avantage puisqu’ils étaient dans un endroit surélevé », témoigne un habitant de Kenscoff. Cette tactique rappelle douloureusement aux Haïtiens les leçons de géographie que nous avons tous apprises : qui contrôle les hauteurs contrôle la vallée. Une réalité militaire que nos ancêtres révolutionnaires connaissaient bien lors de la guerre d’indépendance.
Le bilan est lourd : un véhicule incendié, deux policiers blessés à Furcy, et plusieurs véhicules détruits à Ka-Blain. Mais au-delà des dégâts matériels, c’est tout un territoire qui bascule à nouveau dans l’insécurité.
Un territoire sous emprise criminelle
Les chiffres donnent le vertige : selon le maire Masillon Jean, plus de 75% de Kenscoff est désormais aux mains des bandits. Seuls le centre-ville, Viard, Lazontière, la section communale Grand Fond et le site de Teleco restent sous contrôle policier. Une situation qui rappelle les heures les plus sombres de l’instabilité haïtienne.
« Tout peut arriver à n’importe quel moment. La peur gagne les habitants du centre-ville », confie le maire, pointant du doigt l’absence criante des soldats des Forces Armées d’Haïti (FADH) sur le terrain. Cette absence militaire fait écho aux préoccupations de nombreux Haïtiens, tant au pays qu’à l’étranger, qui questionnent la stratégie sécuritaire des autorités.
La population paysanne, pilier de l’économie locale, a massivement fui les zones de combat. Ces déplacements forcés rappellent les traumatismes vécus par tant de familles haïtiennes contraintes à l’exil, que ce soit à l’intérieur du pays ou vers l’étranger.
Une stratégie sécuritaire remise en question
Le maire Masillon Jean n’y va pas par quatre chemins dans son analyse de la situation. Il dénonce une approche policière intermittente : « La police mène des opérations chaque 15 ou 22 jours. Cela donne du temps aux malfrats pour réfléchir et attaquer. »
Cette critique soulève une question fondamentale que se posent de nombreux observateurs haïtiens : comment consolider durablement les gains sécuritaires ? Le maire déplore également la disparition des « drones kamikazes » qui avaient fait parler d’eux lors d’opérations précédentes.
Il y a quelques semaines encore, les autorités célébraient la reprise de plusieurs localités. Ce retournement de situation à Kenscoff illustre la fragilité des victoires sécuritaires dans un contexte où la stratégie à long terme semble faire défaut.
Face à cette escalade, les habitants de Kenscoff vivent dans l’angoisse, tandis que les Haïtiens de la diaspora suivent avec inquiétude l’évolution de la situation dans leur pays natal. Cette nouvelle offensive des gangs pose une question cruciale : comment briser ce cycle infernal qui voit les gains sécuritaires s’évaporer aussi rapidement qu’ils ont été acquis ? L’avenir de Kenscoff, et par extension celui de la sécurité dans la région métropolitaine, dépendra largement de la capacité des autorités à adopter une stratégie cohérente et durable.
