Empêché d’embarquer pour Miami samedi, le leader du SDP transforme sa mésaventure en tremplin politique. Sa candidature présidentielle annoncée dimanche fait déjà polémique sur les réseaux sociaux.
Quand la politique haïtienne vous ferme une porte, ouvrez-en une autre. C’est exactement ce qu’a fait André Michel ce dimanche 27 juillet. Quelques heures après avoir été bloqué à l’aéroport du Cap-Haïtien, l’avocat et leader du Secteur Démocratique et Populaire (SDP) a annoncé sa candidature à la présidence de la République sur X, transformant ainsi une humiliation en opportunité politique.
Un voyage qui tourne au fiasco
Tout a commencé samedi à l’aéroport international du Cap-Haïtien. André Michel s’apprêtait à s’envoler vers Miami à bord d’un vol de Sunrise Airways quand la réalité l’a rattrapé : son visa américain avait été révoqué. Deux avions ont décollé sans lui, le laissant face à une évidence amère. Son nom figurerait désormais sur la liste noire des personnalités haïtiennes interdites d’entrée aux États-Unis.
Cette révocation s’inscrit dans la vague de sanctions américaines visant les figures soupçonnées de liens avec la déstabilisation d’Haïti. Après Pierre Reginald Boulos, patron de Delimart arrêté pour soutien présumé aux gangs, c’est au tour de l’ancien opposant à Jovenel Moïse de subir les foudres de Washington.
« Nou pa nan dyalòg ak gang » : un message ferme
Plutôt que de se lamenter, Michel André a choisi l’offensive. Dans un message publié sur X, il annonce ses « ambitions présidentielles pour les prochaines élections » avec un programme en trois points : sécurité, développement économique et social, et souveraineté nationale.
Mais c’est surtout sur la sécurité que l’avocat met l’accent : « L’élimination des gangs armés est ma première priorité ! Nou pa nan dyalòg ak gang ! » Une position tranchée qui contraste avec les tentatives de négociation prônées par certains acteurs politiques.
Pour beaucoup d’Haïtiens épuisés par l’insécurité, ce message résonne. Qui n’a pas rêvé d’un leader capable de dire « non » aux bandes armées qui terrorisent Port-au-Prince et les provinces ? Mais entre les promesses de campagne et la réalité du pouvoir, il y a souvent un gouffre.
Un passé politique controversé
André Michel n’en est pas à son premier essai présidentiel. En 2015, il avait déjà tenté sa chance, avant de briguer un siège de sénateur pour l’Ouest en 2016. Cette expérience politique, bien que sans succès électoral, lui donne une certaine légitimité dans le paysage politique national.
Cependant, son passé d’opposant farouche à Jovenel Moïse lui colle à la peau. Ses détracteurs n’hésitent pas à le rendre responsable des manifestations « Peyi Lòk » qui ont paralysé le pays et contribué, selon eux, au chaos actuel. « Il a semé le vent, il récolte la tempête », commentent certains internautes.
Les réseaux sociaux s’enflamment
L’annonce de sa candidature a provoqué une véritable bataille sur les réseaux sociaux. D’un côté, ses partisans défendent « l’avocat du peuple », soulignant qu’il n’a jamais occupé de poste de responsabilité ces dix dernières années et ne peut donc être tenu responsable de la débâcle actuelle.
De l’autre, ses opposants voient en lui l’un des artisans de la crise politique qui a mené à l’assassinat de Jovenel Moïse et à l’effondrement de l’État. « Après avoir détruit le pays, il veut maintenant le diriger », peut-on lire dans les commentaires.
Un timing révélateur
Le timing de cette annonce interroge. Pourquoi André Michel choisit-il ce moment précis, alors qu’il vient d’être sanctionné par les États-Unis ? S’agit-il d’une stratégie pour détourner l’attention de ses problèmes de visa ? Ou d’une véritable conviction politique ?
Une chose est certaine : en transformant sa mésaventure aéroportuaire en lancement de campagne, Michel André démontre une habileté politique certaine. Il réussit à inverser le narratif, passant du statut de persona non grata à celui de candidat antisystème.
Dans un pays où la politique se nourrit souvent de rebondissements spectaculaires, André Michel vient d’ajouter un nouveau chapitre à sa carrière. Reste à savoir si les électeurs haïtiens, lassés des promesses non tenues, seront prêts à lui faire confiance. Car entre dire « nou pa nan dyalòg ak gang » et avoir les moyens de l’appliquer, la route est encore longue.