Le Réseau National de Défense des Droits Humains alerte le ministère des Transports sur les pratiques de la compagnie aérienne nationale et révèle des soupçons de corruption à l’Autorité Aéroportuaire Nationale. Les passagers subissent les conséquences d’un marché verrouillé.
Dans une correspondance adressée mercredi au ministre Raphaël Hosty, le RNDDH tire la sonnette d’alarme sur le fonctionnement du transport aérien en Haïti. L’organisation de défense des droits humains dénonce le monopole exercé par Sunrise Airways et pointe des dysfonctionnements graves au sein de l’Autorité Aéroportuaire Nationale (AAN).
Selon le RNDDH, plusieurs compagnies aériennes ont rapporté leurs difficultés à accéder au marché haïtien, permettant à Sunrise de maintenir sa position dominante. Cette situation trouve un écho dans les déclarations de Pierre-Louis Philippe Bayard, fondateur de Sunrise Airways, qui avait exprimé en juillet dernier à AyiboPost « son profond désaccord à l’ouverture du marché haïtien à une ligne aérienne concurrente ».
Service défaillant et abandon des passagers
Les conséquences de ce quasi-monopole se traduisent par une dégradation du service offert aux voyageurs. Le RNDDH rapporte de nombreuses plaintes concernant l’assistance des employés, la prise en charge déficiente et l’absence de suivi lors des retards ou annulations de vols.
« En cas de retard ou d’annulation de vol, non seulement aucune explication n’est fournie mais aucune prise en charge n’est non plus assurée », détaille l’organisation. Les passagers qui ratent leurs correspondances vers d’autres villes doivent se débrouiller seuls pour obtenir de nouvelles réservations. La politique des bagages de la compagnie fait également l’objet de critiques.
L’aéroport du Cap en piteux état
Les conditions d’accueil à l’aéroport du Cap-Haïtien illustrent les carences du système. Le RNDDH dénonce l’absence de salle d’attente pour les vols domestiques, contraignant les passagers à « errer » dans un « espace réduit et dépourvu de siège ». Les retards fréquents transforment cet espace inadapté en véritable « pagaille ».
Ces conditions contrastent avec les redevances importantes prélevées sur les billets. Pour les vols internationaux vers le Chili, la République Dominicaine, le Panama, la Guadeloupe ou les États-Unis, une taxe de 55 dollars américains est perçue, destinée soit au Trésor Public soit à l’AAN.
Soupçons de corruption autour de l’AAN
Le RNDDH révèle des soupçons de corruption impliquant le directeur général de l’AAN, Yves Ducarmel François. L’organisation exige des explications sur ses « décisions d’effacer les dettes de la Sunrise Airways » et réclame l’ouverture d’une enquête par l’Unité de Lutte Contre la Corruption.
Face à cette situation, le RNDDH exhorte le ministre Hosty à « prendre des mesures nécessaires afin de réguler le marché du transport commercial aérien et de l’ouvrir à d’autres lignes aériennes concurrentes ».
Une brèche dans le monopole aux Cayes
Un premier pas vers l’ouverture du marché a été franchi en juillet avec l’annonce du démarrage des opérations d’IBC Airways à l’aéroport Antoine Simon des Cayes. Cette décision fait suite aux critiques formulées contre l’AAN, accusée de manœuvres visant à bloquer la compagnie américaine sur la route Cayes-Miami.
La rencontre entre une délégation de l’AAN dirigée par Yves Ducarmel François et le représentant d’IBC Airways, Dimitri Fouchard, a permis de débloquer la situation « dans le strict respect des standards de l’aviation civile ».
Cette ouverture, bien que limitée géographiquement, pourrait préfigurer une libéralisation plus large du secteur aérien haïtien, longtemps réclamée par les usagers et les observateurs du secteur.
Le dossier Sunrise Airways révèle les dysfonctionnements profonds du transport aérien national. Entre monopole de fait, service défaillant et soupçons de corruption, le secteur a urgemment besoin d’une régulation transparente. Pour les milliers de passagers haïtiens contraints d’emprunter ces liaisons, l’ouverture du marché à la concurrence ne peut plus attendre.