Malgré les efforts de la Police nationale, l’administration Trump reconduit Haïti parmi les 23 pays considérés comme plaques tournantes du trafic de drogue vers les États-Unis. Une inscription qui perdure depuis des décennies et qui interroge sur l’efficacité de la lutte antidrogue dans le pays.
Une fois de plus, Haïti figure sur la liste peu enviable des pays accusés de servir de transit ou de production pour la drogue destinée au marché américain. Dans sa décision présidentielle du 15 septembre 2025, Donald Trump a maintenu notre pays aux côtés de 22 autres nations, dont plusieurs voisins caribéens comme la République dominicaine, la Jamaïque et les Bahamas.
Cette décision, bien que prévisible, sonne comme un rappel douloureux de la réputation internationale d’Haïti en matière de lutte contre les stupéfiants, une image qui colle à la peau du pays depuis des décennies.
Une liste qui ne reflète pas forcément les efforts
Il faut le préciser d’emblée : selon l’administration américaine elle-même, « la présence d’un pays sur cette liste ne reflète pas nécessairement les efforts déployés par son gouvernement dans la lutte contre la drogue ni son niveau de coopération avec les États-Unis. »
En clair, Haïti se retrouve sur cette liste davantage à cause de sa position géographique stratégique dans les Caraïbes – véritable pont entre l’Amérique du Sud et l’Amérique du Nord – que par manque de volonté politique. Une situation que connaissent bien d’autres pays de la région, pris dans les mailles du filet géopolitique du trafic international.
Cette nuance est importante pour comprendre que l’inscription d’Haïti ne constitue pas automatiquement un blâme, contrairement à l’Afghanistan, la Bolivie, la Birmanie, la Colombie et le Venezuela, explicitement pointés du doigt pour avoir « manifestement manqué à leurs obligations » en matière de lutte antidrogue.
Des saisies historiques qui prouvent la mobilisation
Pourtant, les faits montrent que la Police nationale d’Haïti (PNH) ne reste pas les bras croisés. Le 13 juillet 2025, sur l’île de La Tortue, les forces de l’ordre ont réalisé l’une des plus importantes saisies de leur histoire : 1 045 kilogrammes de cocaïne répartis en 49 sacs.
Cette prise d’envergure démontre que malgré les difficultés sécuritaires qui paralysent le pays, la PNH continue de mener des opérations d’envergure contre les trafiquants. Un exploit d’autant plus remarquable que La Tortue, située au large du Nord-Ouest, reste une zone difficile d’accès et de contrôle.
Ces efforts rappellent d’autres opérations marquantes, comme la saisie de 77 kilos de cocaïne et 10 kilos d’héroïne au port de Varreux en avril 2015, même si la libération ultérieure des suspects par la justice avait soulevé des questions sur l’efficacité de la chaîne pénale.
Trump durcit le ton contre les cartels
Dans sa déclaration, le président américain adopte un ton martial face à ce qu’il qualifie d' »urgence nationale ». Avec plus de 200 décès par jour aux États-Unis dus aux drogues illicites en 2024, Trump promet d’utiliser « tous les moyens dont dispose l’Amérique » pour combattre ce fléau.
Sa stratégie passe notamment par la classification des cartels mexicains comme « organisations terroristes étrangères », donnant aux États-Unis de nouveaux pouvoirs pour les démanteler. Une approche musclée qui pourrait avoir des répercussions sur tous les pays de transit, y compris Haïti.
Une coopération en panne
Le constat est amer : si Haïti figure sur cette liste depuis des décennies, « la coopération anti-drogue entre Haïti et les USA est aujourd’hui l’ombre de ce qu’elle était », comme le souligne le document source. Cette détérioration des relations bilatérales s’explique en grande partie par l’instabilité politique chronique qui frappe le pays depuis plusieurs années.
Pour les Haïtiens de la diaspora, particulièrement ceux établis aux États-Unis, cette situation représente un double défi. D’une part, ils voient leur pays d’origine associé à un trafic qui alimente la crise des opioïdes qui touche leurs communautés d’accueil. D’autre part, ils constatent l’affaiblissement des liens entre les deux pays, traditionnellement étroits.
Un défi géographique permanent
La réalité géographique d’Haïti – carrefour naturel entre les zones de production sud-américaines et les marchés nord-américains – en fait une cible privilégiée des réseaux de trafiquants. Cette position, qui fut jadis un atout commercial, se transforme aujourd’hui en fardeau sécuritaire.
Les côtes haïtiennes, longues de plus de 1 500 kilomètres et parsemées d’îlots difficiles à surveiller comme La Tortue, offrent aux trafiquants de multiples points d’entrée et de sortie. Un défi que même un État fort aurait du mal à relever, et qui devient titanesque pour un pays aux institutions affaiblies.
L’inscription d’Haïti sur cette liste américaine pose une question fondamentale : comment un pays peut-il lutter efficacement contre le crime transnational organisé quand ses propres institutions peinent à assurer la sécurité de base de ses citoyens ? Une équation complexe qui dépasse largement les seuls enjeux de lutte antidrogue et interroge sur l’avenir même de l’État haïtien.