Alors que les hôpitaux universitaires ferment les uns après les autres, l’Université de la Fondation Dr Aristide lance le recrutement de 36 nouveaux résidents dans huit spécialités. Une initiative salvatrice pour la formation médicale haïtienne en pleine déroute.
Dans un paysage médical haïtien où l’insécurité ferme les hôpitaux et brise les rêves de milliers de jeunes médecins, l’UNIFA (Université de la Fondation Dr Aristide) fait figure d’exception. Du 3 au 22 septembre, l’institution a ouvert ses portes au recrutement de résidents dans huit spécialités cruciales : anesthésiologie, chirurgie, médecine interne, obstétrique-gynécologie, ophtalmologie, radiologie, pédiatrie et urologie.
Quand l’UNIFA comble le vide laissé par les fermetures
Avec 36 postes disponibles répartis dans huit services, l’UNIFA devient de facto le plus grand centre de formation de spécialistes médicaux du pays. Cette expansion forcée révèle l’ampleur de la crise : l’Hôpital général reste fermé, l’Hôpital universitaire de Mirebalais a suspendu ses activités à cause de l’insécurité, et de nombreuses autres institutions peinent à fonctionner.
L’UNIFA hérite ainsi de responsabilités considérables : elle devient le seul centre à former des radiologues depuis la fermeture de l’Hôpital général, le deuxième à former des urologues après l’Hôpital universitaire Justinien, et rejoint le Grâce Children’s Hospital comme centre de formation en ophtalmologie.
Une formation médicale à l’agonie
Pour comprendre l’importance de cette initiative, il faut mesurer l’étendue de la catastrophe. Des cohortes entières de résidents recrutés en 2024 par l’Université d’État d’Haïti attendent toujours de commencer leur spécialisation, faute d’hôpitaux fonctionnels. L’Hôpital Sanatorium, le centre psychiatrique Mars and Kline, l’Hôpital Chancerelles… autant d’institutions paralysées qui ne peuvent plus accueillir de stagiaires.
Cette situation rappelle douloureusement les défis auxquels font face les jeunes Haïtiens diplômés en médecine. Beaucoup se retrouvent contraints de partir à l’étranger – République dominicaine, Cuba, France, États-Unis, Canada – pour poursuivre leur spécialisation, vidant le pays de ses futures compétences médicales.
Des initiatives de résistance qui font la différence
Heureusement, l’UNIFA n’est pas seule dans cette bataille pour préserver la formation médicale. L’Université Notre-Dame d’Haïti maintient son programme de pédiatrie grâce à des partenariats avec l’Hôpital Saint Damien, l’institution Nos Petits Frères et Sœurs, et l’Hôpital Bernard Mevs. Six nouveaux résidents ont ainsi été recrutés pour l’année académique 2025-2026.
De son côté, l’Université Quisqueya continue d’offrir une formation en ophtalmologie en collaboration avec le Grâce Children’s Hospital.
Ces initiatives rappellent l’ingéniosité et la résilience dont font preuve certaines institutions haïtiennes face à l’adversité. Elles prouvent qu’avec de la volonté et des partenariats stratégiques, il est possible de maintenir une formation médicale de qualité même dans les circonstances les plus difficiles.
Un espoir fragile mais réel
Pour les familles haïtiennes qui investissent des fortunes dans les études médicales de leurs enfants, ces programmes représentent une lueur d’espoir. Ils permettent d’éviter l’exode massif des jeunes talents vers l’étranger et maintiennent vivante la possibilité de former des spécialistes « made in Haiti ».
Reste à savoir si ces efforts isolés pourront compenser la fermeture des grands centres hospitaliers universitaires et si la situation sécuritaire permettra à ces formations de se dérouler sereinement.
Dans un pays où chaque secteur semble s’effondrer jour après jour, l’initiative de l’UNIFA et de ses partenaires mérite d’être saluée et soutenue. Elle rappelle que même dans les moments les plus sombres, il existe encore des institutions prêtes à parier sur l’avenir. Pour nos jeunes médecins et pour l’avenir sanitaire d’Haïti, souhaitons que cet exemple fasse école et inspire d’autres initiatives du même genre.