Le président du Conseil présidentiel de transition, Laurent Saint-Cyr, a livré jeudi un plaidoyer poignant devant l’Assemblée générale de l’ONU, dressant le tableau saisissant d’une « tragédie humaine » qui se déroule aux portes des États-Unis. Un appel à l’aide urgent qui résonne comme un dernier cri d’alarme face à l’indifférence internationale.
« Une guerre entre criminels et population désarmée »
D’entrée de jeu, Laurent Saint-Cyr a planté le décor avec des mots sans fard : « En Haïti, c’est une guerre qui se joue. Une guerre entre des criminels qui veulent imposer la violence comme ordre social et une population désarmée qui lutte pour préserver la dignité humaine et la liberté. »
Cette description brutale de la réalité haïtienne a trouvé un écho particulier dans l’hémicycle onusien, où les chiffres énoncés par le dirigeant haïtien ont souligné l’ampleur du désastre : des vies fauchées par les balles, des milliers d’enfants privés d’école, plus d’un million de déplacés internes et des millions d’Haïtiens en situation d’insécurité alimentaire.
Pour les familles haïtiennes dispersées à travers le monde – de Montréal à Paris, en passant par Miami et New York – ces statistiques ne sont pas que des chiffres : elles représentent des proches, des amis, des communautés entières qui survivent dans l’angoisse quotidienne.
« Pas de demi-mesures » : un appel à l’action immédiate
Face à cette situation catastrophique, Laurent Saint-Cyr n’a pas mâché ses mots : « Aujourd’hui, la communauté internationale doit, aux côtés d’Haïti, déployer les grands moyens : pas de demi-mesures, mais une action forte, coordonnée et immédiate. »
Le président du CPT a particulièrement insisté sur l’urgence temporelle : « Chaque minute perdue se traduit en vies humaines sacrifiées et en recul de la démocratie. » Un message qui vise directement les lenteurs bureaucratiques et les atermoiements diplomatiques qui caractérisent souvent les interventions internationales.
Hommage aux héros tombés au combat
Dans un moment d’émotion, Saint-Cyr a rendu hommage aux policiers haïtiens et kenyans, ainsi qu’aux soldats « tombés dans la guerre contre les groupes criminels ». Cet hommage souligne la réalité d’un conflit armé qui coûte des vies humaines, loin des euphémismes diplomatiques habituels.
La mention spécifique des forces kényanes rappelle l’engagement de ce pays africain dans la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS), malgré les critiques et les difficultés opérationnelles rencontrées sur le terrain.
Des avancées électorales malgré le chaos
Malgré le contexte sécuritaire dégradé, Laurent Saint-Cyr a tenu à souligner les « avancées significatives » dans la préparation des élections. Le Conseil électoral provisoire a identifié « plus de 85% des centres de vote » et mobilisé « plus de 70% du personnel électoral », avec un financement national de 65 millions de dollars garanti.
Ces chiffres offrent une lueur d’espoir dans un paysage politique haïtien souvent perçu comme chaotique depuis l’étranger. Pour la diaspora haïtienne, ces préparatifs électoraux représentent l’espoir de retrouver un jour une légitimité démocratique au pays.
Dignité pour les migrants haïtiens
Le président du CPT n’a pas oublié les millions d’Haïtiens dispersés à travers le monde, demandant aux pays d’accueil de les traiter « avec respect et dignité ». « Derrière chaque migrant, il y a un visage, une famille, une histoire… et une contribution au pays d’accueil », a-t-il rappelé.
Ces mots résonnent particulièrement dans un contexte où les politiques migratoires se durcissent dans de nombreux pays, y compris aux États-Unis sous l’administration Trump.
Relations avec la République dominicaine
Sur le dossier sensible des relations avec la République dominicaine, Saint-Cyr a prôné « le dialogue et la coopération bilatérale, dans l’esprit du bon voisinage et du respect mutuel ». Une approche diplomatique qui contraste avec les tensions récurrentes entre les deux pays partageant l’île d’Hispaniola.
« Pas de Haïti fatigue » : un ultimatum à la communauté internationale
Le moment le plus saisissant du discours fut sans doute cet appel direct aux consciences : « Ce n’est pas le moment d’éprouver ce sentiment de ‘Haïti fatigue’. La communauté internationale n’a pas le droit de détourner le regard de la situation d’Haïti. »
Saint-Cyr a conclu par un avertissement moral cinglant : « Face à l’ampleur de cette crise, le silence ne serait pas neutralité : il serait complicité. »
Le cri d’alarme de Laurent Saint-Cyr à l’ONU marque-t-il un tournant dans la prise de conscience internationale sur la crise haïtienne ? Ou s’agit-il d’un énième appel qui se perdra dans les méandres diplomatiques ? Pour les millions d’Haïtiens qui espèrent encore, la réponse de la communauté internationale dans les prochaines semaines sera déterminante. Car comme l’a rappelé le président du CPT : « Nous devons bâtir la paix en Haïti. Pour la Caraïbe. Pour les Amériques. Pour l’humanité entière. »