Dimanche 28 septembre, Laurent Saint-Cyr est revenu d’une semaine à New York où il a représenté Haïti à l’Assemblée générale de l’ONU. Entre rencontres diplomatiques et plaidoyers pour la sécurité, le président du CPT a dressé un bilan ambitieux. Mais sur le terrain, la population attend toujours les actes concrets.
Un retour sous les projecteurs
L’atterrissage s’est fait à 16h41, via un vol Sunrise. Au salon diplomatique de l’aéroport Toussaint Louverture, le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé et plusieurs membres du gouvernement étaient là pour accueillir Laurent Saint-Cyr. Prévu initialement pour 14h, le point de presse a finalement débuté à 17h22, victime d’une panne d’électricité. Un détail symbolique, diront certains, dans un pays où l’électricité demeure un luxe.
Devant la presse, Saint-Cyr n’a pas mâché ses mots. La sécurité reste la priorité absolue. « Haïti demande la paix. Haïti a besoin de paix. Sans sécurité, tous nos efforts sont vains », a-t-il martelé. Un message qui résonne particulièrement pour les familles haïtiennes, à Port-au-Prince comme à Cité Soleil, qui vivent sous la menace quotidienne des gangs armés.
La corruption dans le viseur
Mais la sécurité ne suffit pas. Laurent Saint-Cyr a également annoncé une offensive contre la corruption, un fléau qui ronge les institutions haïtiennes depuis des décennies. Trois entités sont désormais dans le collimateur : le Fonds national de l’éducation (FNE), l’Autorité portuaire nationale (APN) et l’Administration générale des Douanes (AGD). Des audits financiers ont été exigés.
« Nous devons instaurer l’ordre dans nos finances publiques, afin de garantir une meilleure utilisation de l’argent des contribuables et mettre fin à l’opacité qui nourrit la méfiance », a déclaré le coordonnateur du CPT. Une phrase qui parle directement aux Haïtiens de la diaspora, dont les transferts d’argent alimentent l’économie du pays, mais qui s’interrogent souvent sur l’utilisation de ces fonds.
Pour Saint-Cyr, transparence financière et lutte contre l’insécurité vont de pair : « La lutte pour la sécurité ne peut être gagnée sans justice, et la justice commence par la fin de l’impunité. »
Un plaidoyer international entendu… en partie
À New York, le message haïtien a été relayé par plus de 20 pays lors de leurs interventions à l’ONU. Laurent Saint-Cyr a multiplié les rencontres bilatérales avec des dirigeants du Kenya, du Canada, des États-Unis, du Qatar et du Maroc, ainsi qu’avec des institutions comme l’ONU, l’OEA, l’OIF, la BID et le PAM.
Le président du CPT a insisté sur le caractère transnational de la crise. Les gangs haïtiens ne menacent pas seulement Haïti, mais cherchent à transformer le pays en plaque tournante du trafic illicite dans la région. « Il serait irresponsable de la part de nos partenaires internationaux de rester silencieux ou inactifs face à une telle menace, aux portes de leurs propres territoires », a-t-il prévenu.
La Mission multinationale de soutien à la sécurité (MSS), soutenue par les États-Unis, le Kenya, la Jamaïque, le Salvador, le Guatemala, les Bahamas, le Belize et le Canada, avance. Le fonds d’affectation spéciale de l’ONU a déjà reçu 60 millions de dollars. Saint-Cyr a remercié ces partenaires, tout en affirmant qu’il ne sera satisfait que « lorsqu’on passera des discours aux actions ».
Et les élections dans tout ça ?
La mission du Conseil présidentiel de transition doit prendre fin le 7 février 2026. Mais à moins de cinq mois de cette échéance, aucun calendrier électoral clair n’a été annoncé. Laurent Saint-Cyr a évoqué des « actions lancées » par le CPT et le gouvernement, mais sans détails précis.
« Nous devons prouver au peuple que cette étape n’est pas une simple parenthèse, mais un passage vers un avenir institutionnel plus solide », a-t-il affirmé. Une déclaration qui laisse perplexes de nombreux Haïtiens, tant en Haïti que dans la diaspora de Miami, Montréal ou Paris, qui attendent des garanties concrètes sur la tenue d’élections libres et transparentes.
Des mots aux actes, il y a un gouffre
Laurent Saint-Cyr est rentré de New York avec des promesses de soutien international et une liste d’audits à mener. Son discours, empreint d’espoir, se veut rassurant. Mais pour les Haïtiens qui vivent sous la terreur des gangs, qui peinent à envoyer leurs enfants à l’école, ou qui se demandent si les prochaines élections auront vraiment lieu, une question demeure : quand les belles paroles se transformeront-elles en changements réels ?
Le peuple haïtien, patient mais exigeant, attend des actes. Et le temps presse.