Le Premier ministre français Sébastien Lecornu a évité la censure d’extrême justesse ce jeudi, après avoir promis de suspendre la très controversée réforme des retraites. Un compromis qui passe mal au sein du camp présidentiel, mais qui permet au gouvernement de rester debout… pour l’instant.
C’était quitte ou double pour Sébastien Lecornu. Renommé Premier ministre début octobre après avoir dû démissionner, il s’est retrouvé jeudi face à un vote de censure qui aurait pu faire tomber son gouvernement avant même qu’il ne commence vraiment à gouverner. Résultat : 271 voix pour la censure, soit 18 de moins que les 289 nécessaires pour renverser l’exécutif. Le couteau sous la gorge, il a survécu.
Le prix de la survie : les retraites en stand-by
Pour sauver sa peau, Lecornu a dû accepter de mettre entre parenthèses la réforme des retraites voulue par Emmanuel Macron, celle-là même qui avait provoqué des mois de manifestations et de tensions sociales. Le Parti socialiste (PS), qui détenait les clés de la survie du gouvernement, a accepté de ne pas voter la censure en échange de cette suspension.
Un sacrifice qui ne passe vraiment pas dans les rangs du camp présidentiel. Emmanuel Macron lui-même a convoqué jeudi soir à l’Élysée les architectes de cette réforme, dont l’ancienne Première ministre Élisabeth Borne. « Le Premier ministre a la liberté et la responsabilité de ses compromis. C’est douloureux pour nous tous », aurait déclaré le président, reconnaissant que « ce combat était juste » mais qu’il fallait « ce compromis pour permettre la stabilité ».
Un équilibre fragile qui ne trompe personne
Si le gouvernement tient encore debout, personne n’est dupe : l’équilibre est précaire. Le député socialiste Laurent Baumel a bien prévenu qu’il ne s’agissait « en aucun cas d’un pacte de non-censure » pour l’avenir. Traduction : à la moindre entourloupe, le PS pourrait bien changer son fusil d’épaule.
Du côté de La France insoumise (LFI) et du Rassemblement national (RN), on crie à la « tromperie » et au « subterfuge ». La députée Insoumise Aurélie Trouvé a dénoncé un simple « leurre », tandis que Marine Le Pen, cheffe des députés RN, a tancé la droite républicaine d’avoir préféré « se dissoudre dans le socialisme » plutôt que de faire tomber Macron.
Une deuxième motion de censure déposée par le RN n’a d’ailleurs récolté que 144 voix, loin du compte.
Les ultra-marins jouent leur propre partition
Détail intéressant pour nous Haïtiens qui suivons la politique française : sept députés socialistes ont fait défaut au vote, principalement parmi les élus des territoires d’outre-mer (Guadeloupe, Martinique, Guyane, Réunion, Mayotte). Ces députés ultra-marins avaient reproché au gouvernement « son désamour à l’égard des territoires d’outre-mer ».
Une situation qui résonne avec les préoccupations de la diaspora haïtienne en France, souvent confrontée aux mêmes enjeux d’oubli et de marginalisation des territoires périphériques.
La bataille du budget s’annonce explosive
Lecornu a certes évité le pire, mais la vraie guerre commence maintenant. Les débats budgétaires vont démarrer la semaine prochaine à l’Assemblée nationale, avec un budget qui prévoit 30 milliards d’euros d’économies. Le Premier ministre a même renoncé à utiliser l’article 49.3, cette arme constitutionnelle qui permet d’imposer un texte sans vote.
Les Républicains (LR), la droite traditionnelle, ont majoritairement choisi de ne pas censurer « au nom de l’intérêt national », malgré des « désaccords importants » avec le gouvernement. Mais trois députés LR ont tout de même voté pour les motions de censure, signe que même à droite, l’unité n’est pas au rendez-vous.
Un gouvernement sous haute surveillance
Sébastien Lecornu, qui a quitté l’Assemblée à pied après le vote sous l’œil des caméras, s’est dit « au travail » et « satisfait que les débats puissent démarrer ». Mais il a aussi admis que la situation restait « difficile ».
Euphémisme de l’année : son gouvernement est sous surveillance permanente, suspendu au bon vouloir du PS et à la patience limitée des autres groupes parlementaires.
La France politique ressemble de plus en plus à un château de cartes. Lecornu a gagné du temps, mais pour combien de temps encore ? Entre une gauche divisée, une droite éclatée et une extrême droite qui attend son heure, la stabilité gouvernementale tient à un fil. Pour les Français, et notamment pour la diaspora haïtienne qui vit l’instabilité à distance, le spectacle promet d’être haletant… et incertain.