Port-au-Prince, 14 janvier 2025 – Dans une démarche marquant un tournant juridique, le Ministère public auprès de la Cour d’Appel de Port-au-Prince a présenté un réquisitoire le 8 janvier, demandant au juge d’instruction Benjamin Félismé de se déclarer incompétent pour poursuivre Emmanuel Vertilaire. L’intéressé, conseiller-président au sein du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), est accusé de corruption passive, d’abus de fonction et de versements illicites.
Une contestation basée sur le statut et les privilèges de juridiction
Emmanuel Vertilaire a interjeté appel d’un mandat de comparution émis à son encontre le 2 décembre 2024, estimant qu’en sa qualité de Conseiller-Président, il bénéficie d’une immunité équivalente à celle du Chef de l’État. Il soutient que les accusations, liées à ses fonctions officielles, relèvent d’une juridiction spéciale et non d’un juge ordinaire.
L’argumentaire du Ministère public
Dans son réquisitoire, le Ministère public a jugé recevable l’appel, arguant que le mandat contesté constitue une ordonnance implicite de compétence, susceptible d’être attaquée. Toutefois, il a rejeté l’interprétation de Vertilaire concernant son immunité, rappelant que le Conseil Présidentiel de Transition est un organe collégial et non une présidence individuelle.
Le réquisitoire a précisé que bien que les membres du CPT exercent des prérogatives présidentielles, ils ne peuvent se prévaloir du titre de Président de la République, ni revendiquer les privilèges de juridiction qui s’y rattachent.
Un contexte de lutte contre la corruption
Les accusations à l’encontre de Vertilaire découlent d’un rapport de l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC), ayant conduit à l’ouverture d’une enquête judiciaire. Parmi les autres personnalités citées figurent Louis Gérald Gilles et Smith Augustin, également conseillers-présidents au sein du CPT.
Le Ministère public a également réfuté l’application de l’article 90 du Code pénal, invoqué par Vertilaire pour contester la légalité des poursuites. Selon le réquisitoire, cet article ne s’applique pas à un Conseiller-Président dans le cadre de ses fonctions.
Une conclusion qui redéfinit les limites juridiques
À l’issue de son analyse, le Ministère public a recommandé que la Cour d’Appel infirme l’ordonnance du juge Félismé et ordonne la suspension de toute action judiciaire contre Emmanuel Vertilaire, en raison de sa qualité particulière. Cette position met en lumière la complexité juridique entourant les fonctions des membres du CPT et pose un précédent pour les futures interprétations des privilèges liés à ce rôle.
Ce dossier illustre les défis posés par la gouvernance transitionnelle en Haïti et les efforts croissants pour équilibrer transparence, responsabilité et respect des institutions.