Civils armés et forces de l’ordre s’unissent contre Viv Ansanm, mais la violence gangstériste menace Port-au-Prince
Port-au-Prince – Ce mercredi 23 avril 2025, les quartiers de Canapé-Vert et Pacot, à Port-au-Prince, ont été le théâtre d’affrontements d’une violence extrême entre des civils armés des brigades d’autodéfense, soutenus par la Police nationale d’Haïti (PNH) et les Forces armées d’Haïti (Fad’H), et les gangs de la coalition Viv Ansanm. Selon Pierre Espérance, directeur exécutif du Réseau national de défense des droits humains (RNDDH), un policier, deux soldats et quatre membres d’une brigade d’autodéfense ont été tués, tandis que plus de 30 bandits ont été neutralisés et une quarantaine blessés. Ces violences marquent une escalade alarmante dans la lutte pour le contrôle de la capitale haïtienne.
Une embuscade meurtrière à Pacot
Les hostilités ont éclaté en début d’après-midi lorsque des membres de la PNH, appuyés par des habitants de Canapé-Vert organisés en brigades d’autodéfense, ont lancé une opération à Pacot pour contrer une offensive des gangs de Viv Ansanm. Selon Gazette Haiti et rtvgalaxie sur X, les bandits, cherchant à étendre leur emprise, ont tendu une embuscade, transformant la zone en champ de bataille. Pierre Espérance a rapporté que sept défenseurs – un policier, deux soldats des Fad’H et quatre civils de la brigade – ont perdu la vie, tandis que plus de 30 assaillants ont été tués.
L’opération a mobilisé des moyens modernes, avec l’utilisation de trois drones à charge explosive par les forces de sécurité, causant des pertes significatives chez les gangs. « Plus d’une quarantaine de bandits blessés par balles ont dû regagner précipitamment leurs fiefs », a indiqué Espérance. La population a également contribué en remettant à la PNH quatre fusils de guerre récupérés sur les lieux, un geste salué comme un signe de résistance communautaire.
Les brigades d’autodéfense : des civils en première ligne
Les brigades d’autodéfense, comme celle de Canapé-Vert, sont composées de citoyens ordinaires qui, face à l’inaction des autorités et à la menace croissante des gangs, ont pris les armes pour protéger leurs quartiers. Ces groupes, souvent mal équipés et peu entraînés, jouent un rôle crucial mais risqué dans la lutte contre Viv Ansanm, qui contrôle environ 85 % de Port-au-Prince selon les Nations Unies. Les pertes subies ce mercredi, dont quatre membres de la brigade, soulignent le sacrifice de ces civils confrontés à des gangs lourdement armés.
Canapé-Vert, un quartier historiquement stratégique, est devenu un point chaud dans la bataille pour le contrôle de la capitale. Déjà le 16 avril, une manifestation partie de Canapé-Vert pour exiger la sécurité avait été dispersée par la police à Bois-Vert, révélant les tensions dans la zone. Un article de MediaLibre du 17 avril s’interrogeait : « Canapé-Vert : un territoire en rupture avec l’État ? » Les événements d’aujourd’hui confirment cette fracture, alors que les gangs exploitent la faiblesse des institutions pour avancer.
Une menace gangstériste en expansion
La coalition Viv Ansanm intensifie ses offensives pour s’emparer de nouveaux territoires, après avoir pris le contrôle de villes comme Mirebalais et Saut-d’Eau et attaqué des commissariats. À Pacot, leur objectif était clair : consolider leur présence dans les quartiers limitrophes du centre-ville pour asseoir leur domination sur Port-au-Prince. Ces groupes, souvent liés à des élites politiques et économiques, bénéficient d’une organisation et d’un armement croissants, rendant la tâche des défenseurs – civils et forces de l’ordre – particulièrement ardue.
Une réponse sécuritaire sous tension
La PNH, soutenue par la mission multinationale dirigée par le Kenya (MSS), peine à endiguer la violence. Avec seulement 416 officiers déployés sur les 2 500 prévus, la MSS reste sous-financée et limitée dans son impact. Les brigades d’autodéfense, bien que courageuses, manquent de coordination et de ressources, exposant leurs membres à des risques mortels. L’utilisation de drones explosifs, bien que novatrice, illustre les efforts désespérés des autorités pour reprendre l’initiative face à des gangs de plus en plus audacieux.
Pierre Espérance a salué la mobilisation conjointe des civils et des forces de l’ordre, mais plaide pour une stratégie plus robuste. « Les mouvements visant à repousser les gangs doivent être encouragés », a-t-il déclaré, appelant à « renforcer les relations entre la PNH et la population » pour une lutte efficace. Il a également exhorté la hiérarchie policière à améliorer sa communication pour informer les citoyens et contrer la désinformation, qui amplifie la panique.
Un impact humanitaire dévastateur
Les affrontements à Canapé-Vert et Pacot aggravent une crise humanitaire déjà critique. Avec plus d’un million de déplacés internes, dont 50 % d’enfants, et 5,7 millions de personnes en insécurité alimentaire aiguë, Haïti est au bord de l’effondrement. Les violences perturbent l’accès aux hôpitaux, aux écoles et aux marchés, plongeant les habitants dans la peur. Sur X, un résident écrit : « Canapé-Vert est un champ de guerre. Où est l’espoir ? »
Les organisations humanitaires, comme UNICEF, appellent à protéger les quartiers encore sous contrôle gouvernemental, mais l’insécurité entrave l’acheminement de l’aide. La société civile, malgré son courage, manque de moyens pour organiser une résistance durable.
Une résistance héroïque mais fragile
Les brigades d’autodéfense de Canapé-Vert, en sacrifiant quatre de leurs membres, incarnent le désespoir et la détermination des citoyens haïtiens face à l’anarchie. Leur collaboration avec la PNH, bien que coûteuse, montre qu’une résistance communautaire est possible. Pierre Espérance voit dans ces efforts un modèle à suivre, à condition que la PNH renforce son soutien aux civils et améliore sa coordination.
Les récentes nominations, comme celle de Serge Allande Jolicoeur à la tête de la PNH dans le Sud, pourraient inspirer des stratégies similaires à Port-au-Prince. Cependant, sans un renforcement significatif de la MSS et des ressources nationales, la capacité des civils et des forces de l’ordre à tenir tête aux gangs reste précaire.
Un tournant critique pour Port-au-Prince
Les affrontements du 23 avril à Canapé-Vert et Pacot marquent un point de non-retour dans la guerre urbaine qui ravage Port-au-Prince. Alors que Viv Ansanm gagne du terrain, la survie de quartiers stratégiques dépend de la capacité des citoyens, de la PNH et de leurs alliés à s’unir. Sans une intervention internationale massive et une réforme des institutions, Haïti risque de sombrer dans un chaos irréversible, avec des conséquences dévastatrices pour la région.