Le Conseil Présidentiel de Transition condamne les violations des droits des Haïtiens et appelle au dialogue bilatéral
Port-au-Prince – Dans un communiqué publié ce jeudi 24 avril 2025, le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) d’Haïti a fermement condamné les « actes de discrimination » et les « violations des droits fondamentaux » subis par les Haïtiens en République Dominicaine lors des opérations de déportation. Cette prise de position intervient alors que les autorités dominicaines intensifient leurs mesures migratoires, notamment à travers un nouveau protocole hospitalier visant à vérifier le statut migratoire des patients étrangers, suscitant une vague d’indignation en Haïti face aux traitements inhumains infligés aux ressortissants sans papiers.
Une condamnation sans équivoque
Le CPT a exprimé sa « profonde préoccupation » face aux conditions dans lesquelles s’effectuent les expulsions des Haïtiens en République Dominicaine. « Nous condamnons avec la plus grande fermeté toute forme de discrimination ainsi que toute violation des droits fondamentaux dont sont victimes nos compatriotes haïtiens vivant en République Dominicaine », déclare le communiqué. Cette réaction fait suite à des rapports alarmants, notamment une vidéo publiée par le journal dominicain Listin Diario, montrant une femme haïtienne enceinte forcée de monter dans un bus de l’immigration pour être expulsée, malgré son état de santé.
Le CPT appelle les autorités dominicaines à respecter les droits humains des Haïtiens et à privilégier le dialogue bilatéral pour trouver des solutions « durables, équitables et respectueuses de la dignité humaine ». Il réaffirme son engagement à défendre les droits de ses citoyens et à assurer un accueil décent pour les rapatriés, exhortant les autorités haïtiennes compétentes à prendre des mesures pour accompagner les personnes expulsées.
Un protocole hospitalier controversé
La colère du CPT a été déclenchée par l’annonce, le 22 avril, d’un nouveau protocole migratoire par la Direction générale de migration (DGM) de la République Dominicaine. Effectif depuis le 21 avril dans 33 hôpitaux publics stratégiques, ce protocole autorise les agents de la DGM, sous la supervision du directeur Visamiral Luis Rafael Lee Ballester, à vérifier le statut migratoire des patients étrangers. Les personnes en situation irrégulière reçoivent des soins d’urgence, mais sont ensuite transférées pour une éventuelle déportation, y compris les femmes enceintes, trois jours après un accouchement.
Cette mesure, présentée comme un moyen de « garantir le respect des règles migratoires » et de « soutenir la viabilité du système hospitalier national », a suscité une indignation généralisée. Des organisations comme le Groupe d’appui aux rapatriés et aux réfugiés (GARR) et Amnesty International ont dénoncé des pratiques « discriminatoires » et contraires au principe de non-refoulement. La vidéo de Listin Diario, montrant une femme enceinte embarquée de force, a amplifié ces critiques, mettant en lumière des violations flagrantes des droits humains.
Une escalade des tensions bilatérales
Les relations entre Haïti et la République Dominicaine, historiquement marquées par des tensions, se sont encore détériorées depuis l’annonce de 15 mesures migratoires par le président dominicain Luis Abinader en avril 2025. Ces politiques, incluant la militarisation de la frontière et l’accélération de la construction d’un mur, visent à limiter l’immigration haïtienne, exacerbée par la crise sécuritaire en Haïti. Selon Listin Diario, environ 86 000 Haïtiens sans papiers ont été expulsés au premier trimestre 2025, un chiffre record qui reflète l’ampleur de la répression.
Le CPT, tout en condamnant ces actions, insiste sur la nécessité d’un dialogue constructif. « Une gestion humaine et coordonnée de la migration est essentielle pour nos deux pays », indique le communiqué. Cependant, les appels au dialogue peinent à trouver écho, alors que des groupes ultranationalistes dominicains, comme Antigua Orden Dominicana, attisent les tensions anti-haïtiennes.
Un impact humanitaire dramatique
Les déportations massives aggravent la crise humanitaire en Haïti, où plus d’un million de personnes sont déplacées internes et 5,7 millions souffrent d’insécurité alimentaire. Les rapatriés, souvent démunis, arrivent dans un pays incapable de leur offrir un soutien adéquat.
La fermeture récente de l’Hôpital universitaire de Mirebalais et de l’hôtel Marriott à Port-au-Prince, en raison de l’insécurité, limite encore davantage les ressources disponibles pour les rapatriés. Le CPT, conscient de ces défis, promet de prendre des dispositions pour un accueil digne, mais les moyens manquent face à l’ampleur de la crise.
Un appel à la communauté internationale
Le CPT envoie un message clair à la communauté internationale, demandant un soutien pour protéger les droits des Haïtiens et faire pression sur la République Dominicaine. Des organisations comme Human Rights Watch ont appelé à la fin des expulsions collectives, qualifiées de « racistes » et contraires aux conventions internationales. La situation des femmes enceintes, ciblées dans les hôpitaux, a particulièrement choqué, rappelant des incidents similaires dénoncés par le GARR.
Alors que les tensions bilatérales s’intensifient, le dialogue prôné par le CPT pourrait être une voie de sortie, mais il nécessitera une volonté politique des deux côtés. Pour l’heure, les Haïtiens en République Dominicaine vivent dans la peur, tandis que ceux rapatriés affrontent un avenir incertain dans un pays en proie au chaos.
Une lueur d’espoir dans la solidarité
Malgré les épreuves, le CPT tente de mobiliser les institutions haïtiennes pour répondre à l’urgence. Des initiatives comme le partenariat avec la Banque interaméricaine de développement, signé le 21 avril, visent à renforcer les capacités du pays à long terme. Mais à court terme, la priorité reste la protection des citoyens, qu’ils soient en Haïti ou à l’étranger.
La condamnation du CPT est un pas vers la défense de la dignité haïtienne, mais elle met aussi en lumière les défis d’un pays fragilisé face à un voisin déterminé à durcir sa politique migratoire. L’issue de cette crise dépendra de la capacité des deux nations à surmonter leurs différends pour le bien de leurs populations.