L’arrestation du magnat haïtien Pierre Réginald Boulos par les autorités américaines ne serait qu’un message politique délibéré de l’administration Trump, selon Pierre Antoine Louis, ancien conseiller diplomatique. Une stratégie qui pourrait cibler d’autres figures influentes et fragiliser davantage l’économie haïtienne déjà exsangue.

Depuis son interpellation par les agents de l’ICE il y a une semaine, l’affaire Pierre Réginald Boulos fait trembler les cercles du pouvoir économique haïtien. Le patron de Delimart, figure emblématique du secteur privé national, attend désormais sa comparution du 31 juillet dans une prison fédérale américaine. Mais derrière cette arrestation se cache une stratégie politique bien plus large, selon Pierre Antoine Louis.

« Un symbole pour envoyer un message »

L’ancien officier politique à l’ambassade américaine en Haïti, aujourd’hui juriste au Barreau de New York, ne mâche pas ses mots. Invité mercredi sur Gazette Haïti, il dénonce une instrumentalisation politique : « L’administration Trump a choisi le Dr Boulos comme un symbole pour envoyer un message », affirme-t-il sans détour.

Cette analyse trouve un écho particulier quand on sait que Boulos avait été notifié de la révocation de sa résidence permanente et devait quitter les États-Unis le 16 juillet. Son changement d’avis de dernière minute a précipité son arrestation à domicile par les agents fédéraux.

Pierre Antoine Louis va plus loin en pointant les contradictions de la politique américaine : « Les États-Unis contrôlent tout ce qui sort d’Haïti. S’ils voulaient vraiment aider, ils auraient pu stopper l’entrée des armes dans le pays. L’administration Trump n’a rien fait pour cela. »

La peur d’un effet domino

L’ancien conseiller des présidents Michel Martelly et Jovenel Moïse tire la sonnette d’alarme sur les conséquences économiques de cette stratégie. « Ce qui arrive aujourd’hui au Dr Boulos, c’est juste la pointe de l’iceberg », prévient-il.

Le message est clair : d’autres personnalités influentes du secteur privé ou politique pourraient suivre. Un scénario qui rappelle les sanctions déjà imposées au président du conseil d’administration de la plus grande banque du pays. « Demain, qui sera le suivant ? », s’interroge l’ancien diplomate.

Cette escalade suscite des inquiétudes légitimes dans un pays où le secteur privé formel reste fragile. Les entreprises comme Delimart, qui emploient des milliers d’Haïtiens et alimentent une partie significative de l’économie locale, pourraient voir leur avenir compromis.

Un verdict déjà écrit ?

Concernant l’issue du dossier Boulos, Pierre Antoine Louis se montre pessimiste : « Il sera déporté, c’est sûr. Le juge ne prendra pas le risque d’aller à l’encontre de la décision du Département d’État. »

Les accusations portées contre l’homme d’affaires sont lourdes. Selon ICE, il se serait « engagé dans une campagne de violences et de soutien aux gangs ayant contribué à l’instabilité en Haïti ». Des allégations que le Département d’État juge suffisamment graves pour considérer que sa présence sur le sol américain pourrait « entraîner de graves conséquences négatives pour la politique étrangère des États-Unis ».

« Nous devons aimer notre pays »

Face à cette situation, l’ancien diplomate lance un appel vibrant à la conscience nationale : « Nous avons détruit notre pays. Et maintenant, les sanctions américaines vont fragiliser toute l’économie haïtienne. »

Il dénonce une approche qu’il juge contre-productive : « Ces sanctions ne sont pas utiles à Haïti. Si les Américains voulaient vraiment aider Haïti, ils auraient mieux encadré les forces de sécurité haïtiennes. »

L’affaire Boulos révèle-t-elle un durcissement de la politique américaine envers Haïti ? Alors que notre pays traverse l’une des crises les plus graves de son histoire, cette stratégie de sanctions ciblées risque-t-elle de nous enfoncer davantage ? Une chose est certaine : la communauté haïtienne, en Haïti comme dans la diaspora, observe avec inquiétude cette nouvelle donne géopolitique qui pourrait redéfinir l’avenir économique du pays.

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