Claude Prépetit, le géologue de référence d’Haïti, tire la sonnette d’alarme. Les récentes secousses entre Port-au-Prince et les Nippes rappellent étrangement celles qui ont précédé le séisme dévastateur de 2021. Faut-il s’inquiéter ?
Neuf secousses qui ne passent pas inaperçues
Entre le 4 et le 5 août, la terre haïtienne a tremblé à neuf reprises. Claude Prépetit, directeur général du Bureau des mines et de l’énergie (BME) et figure emblématique de la géologie haïtienne, a détaillé ces événements lors de l’émission Panel Magik ce mercredi. Pour ceux qui connaissent bien le pays, la répartition géographique de ces secousses a de quoi interpeller : une dans les Nippes, huit autres concentrées entre Pétion-Ville, Croix-des-Bouquets et Fonds Parisien.
La plus forte, d’une magnitude de 4,1 sur l’échelle de Richter, s’est produite le 4 août à 23h. D’autres ont suivi : 3,4 de magnitude le lendemain à 3h23, puis 3,2 dans l’après-midi du 5 août à 17h18. Si ces chiffres peuvent paraître techniques pour le commun des mortels, ils révèlent une réalité préoccupante selon l’expert : toutes ces secousses sont superficielles, entre 7 et 10 kilomètres de profondeur seulement.
Pour les familles haïtiennes vivant dans ces zones – et leurs proches dans la diaspora qui s’inquiètent depuis Miami, New York ou Paris – ces tremblements rappellent de douloureux souvenirs.
Une région caribéenne sous surveillance
Haïti n’est pas seule dans cette agitation tellurique. Claude Prépetit a souligné que d’autres pays de la région ont également enregistré des activités sismiques significatives. En République dominicaine, Punta Cana a connu une secousse de magnitude 5,7, certes plus forte mais heureusement plus profonde (168 km), donc moins dangereuse. Porto Rico a aussi été secoué par plusieurs secousses, dont la dernière de 3,2 à 10 kilomètres de profondeur.
L’observation la plus troublante de l’expert haïtien concerne l’alignement de toutes ces secousses sur l’axe reliant la Jamaïque à Porto Rico, en passant par Tiburon et la République dominicaine. « La zone est sismiquement active depuis un certain temps », constate-t-il, utilisant un langage mesuré qui n’en cache pas moins une réelle préoccupation.
Le spectre de 2021 plane encore
L’ingénieur-géologue n’a pas hésité à faire le parallèle qui hante tous les Haïtiens : les Nippes avaient enregistré des petites secousses similaires pendant près d’un an avant d’être frappées par le séisme dévastateur du 14 août 2021, de magnitude 7,3. Ce tremblement de terre avait fait plus de 2 200 morts et détruit des milliers de maisons, forçant de nombreuses familles à l’exil.
« Sans vouloir être un prophète de malheur », précise Claude Prépetit avec la prudence qui le caractérise, « les répliques répétitives annoncent soit la libération de l’énergie ou la venue d’un plus grand séisme. » Une déclaration qui glace le sang mais qui reflète la réalité scientifique que tout Haïtien doit connaître.
Une faille sous haute surveillance
L’expert a identifié une zone particulièrement préoccupante : le segment de la grande faille de la presqu’île du Sud qui s’étend de Carrefour jusqu’au lac Enriquillo. Cette zone traverse des secteurs densément peuplés comme Laboule 12, Fonds Parisien et les alentours du lac Azuei, où vivent des milliers de familles haïtiennes.
Pour Claude Prépetit, l’urgence est claire : il faut respecter scrupuleusement les mesures de prévention. « Prioriser les constructions parasismiques, utiliser des matériaux de qualité et éviter de construire dans des zones à risques », martèle-t-il. Un message qui résonne particulièrement pour les Haïtiens de la diaspora qui financent souvent la construction de maisons au pays.
Alors que Port-au-Prince a encore paniqué mardi soir lors de la secousse de 4,1, une question brûle les lèvres : Haïti est-elle préparée à affronter un nouveau séisme majeur ? Pour Claude Prépetit, la réponse passe par la prévention et la construction parasismique. Mais combien d’Haïtiens, ici et dans la diaspora, ont vraiment les moyens de construire selon ces normes ?