La Cour suprême argentine confirme la condamnation de l’ex-présidente Cristina Kirchner à six ans de prison et à l’inéligibilité à vie pour corruption. Un séisme politique qui interpelle sur la justice, l’impunité et le destin des dirigeants déchus – des questions que nous Haïtiens connaissons bien.
Mardi 10 juin, l’Argentine a vécu un moment historique : sa Cour suprême a confirmé la condamnation de Cristina Kirchner, figure dominante de la politique argentine depuis 20 ans, pour « fraude au préjudice de l’administration publique ». Six ans de prison et inéligibilité à vie pour corruption dans l’attribution de marchés publics – un verdict qui résonne étrangement pour nous Haïtiens, habitués aux scandales de nos propres dirigeants.
Quand la justice rattrape les puissants
À 72 ans, l’ancienne présidente péroniste (2007-2015) échappera probablement à la prison grâce à son âge, mais devra purger sa peine en résidence surveillée. L’affaire porte sur l’attribution frauduleuse de contrats routiers dans sa province natale de Santa Cruz – des pratiques de favoritisme et de détournement que nous connaissons malheureusement trop bien en Haïti.
« Ils me veulent soit prisonnière, soit morte », a lancé Kirchner, dénonçant une « persécution politico-judiciaire ». Des mots qui rappellent les déclarations de nombreux dirigeants haïtiens poursuivis par la justice, brandissant invariablement l’argument du complot politique pour échapper aux conséquences de leurs actes.
Le syndrome de l’impunité : l’éternelle excuse
Comme tant de nos dirigeants haïtiens pris la main dans le sac, Cristina Kirchner refuse d’assumer ses responsabilités. Elle traite les juges de « trio de marionnettes » et affirme que « la sentence était écrite à l’avance ». Cette rhétorique de la victimisation, nous la connaissons par cœur : combien de fois avons-nous entendu nos politiciens corrompus crier au complot quand la justice s’approche d’eux ?
La différence fondamentale, c’est qu’en Argentine, malgré les cris et les protestations, la justice suit son cours. La Cour suprême n’a pas cédé aux pressions, confirmant que « les peines étaient fondées sur les nombreuses preuves produites ». Chez nous, combien de dossiers de corruption dorment dans les tiroirs ? Combien de nos dirigeants vivent tranquillement malgré les preuves accablantes contre eux ?
La rue se mobilise, mais la loi prime
Des milliers de sympathisants se sont rassemblés pour soutenir Kirchner, des syndicats ont bloqué des routes, et la centrale ouvrière CGT parle de « démocratie en danger ». Pourtant, ces manifestations n’ont pas fait fléchir les institutions argentines. Le président Javier Milei s’est contenté d’un laconique « Justice. Fin » sur les réseaux sociaux.
Imaginez la même scène en Haïti : si l’un de nos anciens présidents était condamné de manière aussi ferme, aurions-nous la maturité institutionnelle pour faire respecter le verdict ? Ou verrions-nous, comme trop souvent, la rue imposer sa loi et la justice capituler ?
Le crépuscule d’une étoile politique
Avec seulement 24% d’opinions favorables contre 66% d’opinions négatives selon les sondages, Kirchner paie le prix de ses années au pouvoir. Son inéligibilité l’empêche de briguer un siège de députée en septembre, marquant peut-être le début de son crépuscule politique.
Cette chute nous interroge : en Haïti, avons-nous déjà vu un dirigeant véritablement payer le prix politique de ses malversations ? Nos anciens présidents continuent-ils à influencer la politique malgré leurs casseroles judiciaires ? La différence est frappante.
Les leçons d’un système qui fonctionne
L’affaire Kirchner nous montre ce à quoi ressemble un système judiciaire qui fonctionne, imparfaitement certes, mais qui fonctionne. Malgré les 20 ans de pouvoir et d’influence de l’ancienne présidente, malgré les manifestations et les menaces, la justice argentine a tranché.
Pour nous Haïtiens, ce cas argentin pose une question dérangeante : quand verrons-nous nos propres dirigeants corrompus répondre de leurs actes devant la justice ? Quand cesserons-nous d’accepter que l’impunité soit la règle pour nos élites ? L’exemple argentin nous prouve qu’ailleurs, même les plus puissants finissent par rendre des comptes. Il est temps que nous exigions la même chose chez nous, car un pays ne peut se construire sur l’impunité de ses dirigeants.