Des enseignants agressés par des policiers lors des célébrations officielles du 18 mai au Cap-Haïtien. L’incident, qui touche une profession déjà en grève depuis cinq mois, suscite l’indignation des syndicats et pourrait intensifier la crise dans le secteur éducatif.
Un 18 mai qui tourne au drame pour les enseignants
La journée qui devait célébrer l’union et la fierté nationale s’est transformée en théâtre de violences inadmissibles au Cap-Haïtien. Alors que se déroulaient les cérémonies officielles de la fête du Drapeau, symbole de notre indépendance et de notre souveraineté, plusieurs enseignants ont été victimes d’agressions policières, dont le professeur St-Fleur Williamson, brutalisé en pleine commémoration.
L’Union nationale des Normaliens et Normaliennes d’Haïti (UNNOH), affiliée à la Confédération Unifiée des Travailleurs du Secteur Public et de l’Éducation en Haïti (CUTRASEPH), n’a pas tardé à réagir. Dans une note de protestation publiée dès le lendemain des événements, l’organisation syndicale dénonce des actes qu’elle qualifie de « barbares » et qui constituent, selon elle, « une gifle infligée à l’ensemble du corps enseignant haïtien ».
Une agression qui s’inscrit dans un contexte de crise profonde
Ces violences surviennent dans un climat particulièrement tendu pour le secteur éducatif haïtien. Depuis maintenant cinq mois, une grève paralyse de nombreux établissements scolaires à travers le pays. Les revendications des enseignants portent notamment sur la revalorisation salariale, l’amélioration des conditions de travail et la régularisation du statut de milliers d’enseignants non encore intégrés à la fonction publique.
Pour de nombreux observateurs, ces agressions ne font que confirmer le peu de considération accordée à une profession pourtant essentielle à l’avenir du pays. « Quand on voit des enseignants maltraités lors d’une cérémonie nationale, comment s’étonner que nos jeunes quittent massivement le pays? », s’interroge Jean-Michel Lafortune, parent d’élèves et membre du collectif « Sauver l’École Haïtienne », joint par téléphone.
Dans la diaspora haïtienne, l’émotion est également vive. À Montréal, Miami ou Paris, où se trouvent d’importantes communautés haïtiennes, des professionnels de l’éducation d’origine haïtienne ont exprimé leur solidarité via les réseaux sociaux.
Le silence assourdissant des autorités
L’UNNOH pointe directement du doigt les plus hautes instances du pays, accusées de rester silencieuses face à cette agression. Le ministre de l’Éducation nationale, Augustin Antoine, le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé ainsi que le Conseil présidentiel de Transition (CPT) sont particulièrement visés.
« Leur mutisme face à cette agression est une gifle morale au monde enseignant », déclare l’UNNOH dans sa note. Pour le syndicat, cette absence de réaction officielle témoigne du peu d’intérêt accordé à la résolution de la crise qui secoue le secteur éducatif depuis plusieurs mois.
À l’heure où nous publions cet article, aucune déclaration officielle n’a encore été faite par les autorités concernées, malgré l’ampleur que prend l’affaire sur les réseaux sociaux, où des vidéos de l’incident circulent abondamment.
Une mobilisation appelée à s’intensifier
Face à ce qu’elle considère comme une provocation supplémentaire, l’UNNOH appelle à une mobilisation massive des enseignants, des élèves, des parents et de tous les citoyens soucieux de l’avenir du système éducatif haïtien.
Le syndicat exige l’ouverture immédiate d’une enquête indépendante pour identifier et sanctionner les policiers impliqués dans ces violences. Au-delà de cette affaire spécifique, l’UNNOH entend profiter de cette mobilisation pour presser les autorités à adopter enfin des mesures concrètes permettant de sortir le système éducatif de l’impasse.
« La mobilisation reste le seul levier pour y parvenir », conclut la note du syndicat, laissant présager une intensification du mouvement de protestation dans les jours à venir.
Une école publique à reconstruire
Cette nouvelle crise met en lumière les défis colossaux auxquels fait face l’école haïtienne. Déjà fragilisé par les catastrophes naturelles, l’instabilité politique chronique et la précarité économique, le système éducatif haïtien peine à se réformer.
L’UNNOH insiste sur la nécessité d’une école publique forte, fondée sur le respect des droits des enseignants et les principes citoyens. Un objectif qui semble s’éloigner à mesure que les tensions s’accumulent entre le corps enseignant et les autorités.
Alors que le pays commémorait ce 18 mai la création du drapeau bleu et rouge, symbole d’unité nationale, les événements du Cap-Haïtien nous rappellent combien le chemin vers cette unité reste semé d’embûches. Le traitement réservé à ceux qui forment les citoyens de demain en dit long sur les défis qui nous attendent pour reconstruire une Haïti où l’éducation serait véritablement une priorité nationale.