Un reportage choc du quotidien espagnol El País América dévoile l’horreur vécue par des femmes haïtiennes à Punta Cana, contraintes à subir des viols pour échapper aux expulsions. Ces révélations mettent en lumière les graves violations des droits humains liées aux nouvelles politiques migratoires dominicaines.
Des témoignages qui brisent le silence
C’est un Punta Cana bien différent des cartes postales touristiques que dépeint le journal El País América dans son édition du 19 mai 2025. Loin des plages paradisiaques et des complexes hôteliers de luxe se cache une réalité sordide pour de nombreuses femmes haïtiennes vivant dans cette région touristique de la République Dominicaine.
Le quotidien espagnol révèle, dans un article intitulé « L’autre côté de Punta Cana », comment des migrantes haïtiennes seraient victimes d’agressions sexuelles systématiques de la part d’agents d’immigration dominicains en échange de la « faveur » de ne pas être expulsées vers Haïti.
Ruth, une Haïtienne dont le témoignage est recueilli par le journal, raconte un quotidien fait de terreur : « À l’arrivée des agents d’immigration, elle était obligée de cacher ses enfants et de rester au lit, sachant que le viol a été le seul moyen d’éviter l’expulsion vers Haïti, d’où elle a fui en raison de la violence et de l’extrême pauvreté. »
Ces témoignages bouleversants résonnent particulièrement au sein de la diaspora haïtienne, où des associations comme « Fanm Ayisyen nan Dyaspora » (Femmes Haïtiennes de la Diaspora) ont rapidement réagi pour dénoncer ces pratiques et demander une enquête internationale.
Une politique migratoire de plus en plus répressive
Ces abus sexuels s’inscrivent dans un contexte de durcissement sans précédent de la politique migratoire dominicaine. Depuis avril 2025, le président Luis Abinader a intensifié les mesures anti-immigration, entraînant l’expulsion de plus de 14 000 personnes en seulement 12 jours.
Le nouveau protocole lancé le 22 avril par la Direction Générale de Migration (DGM) prévoit des vérifications du statut migratoire jusque dans 33 hôpitaux publics considérés comme « stratégiques ». Une mesure qui a des conséquences dramatiques, notamment pour les femmes enceintes.
Des vidéos diffusées par le journal dominicain Listin Diario montrent des scènes choquantes : des femmes haïtiennes en fin de grossesse forcées de monter dans des bus de l’immigration pour être expulsées, sans égard pour leur état de santé ou les risques encourus.
« Ce que nous observons va bien au-delà d’une simple politique migratoire stricte. Il s’agit d’une forme de violence institutionnalisée qui cible spécifiquement les femmes, les rendant doublement vulnérables en tant que migrantes et en tant que femmes, » explique Marie-Laurence Jocelyn Lassègue, ancienne ministre haïtienne à la Condition féminine et aux Droits des femmes, contactée par notre rédaction.
Un impact dévastateur sur l’éducation et l’économie
Les conséquences de cette politique répressive dépassent largement la sphère humanitaire. Selon El País América, la peur des raids et des arrestations a provoqué une chute spectaculaire de la fréquentation scolaire chez les enfants d’origine haïtienne.
Dans certaines communautés comme Villa Esperanza, les écoles se vident progressivement, tandis que des secteurs entiers de l’économie dominicaine commencent à ressentir les effets de ces expulsions massives. Le tourisme, la construction et l’agriculture, traditionnellement dépendants de la main-d’œuvre haïtienne, seraient particulièrement touchés.
« C’est une situation paradoxale, » note l’économiste haïtiano-américain Jean-Robert Estimé, que nous avons joint à Miami. « La République Dominicaine cherche à se ‘débarrasser’ des Haïtiens tout en sachant pertinemment que son économie repose en grande partie sur cette main-d’œuvre bon marché. Les conséquences économiques risquent d’être désastreuses à moyen terme pour les deux pays. »
La communauté internationale reste muette
Face à ce que certaines organisations qualifient désormais de « nettoyage ethnique » ou de « régime d’apartheid » contre les Haïtiens, la communauté internationale brille par son silence. Ni l’Organisation des États Américains (OEA), ni les Nations Unies n’ont encore pris position fermement contre ces pratiques dénoncées par El País América.
Pour la diaspora haïtienne, ce silence est assourdissant. À Montréal, New York, Miami ou Paris, des manifestations spontanées ont eu lieu devant les consulats dominicains pour exiger des actions concrètes et la fin des persécutions.
« Il y a une forme d’hypocrisie internationale, » déplore Samuel Pierre, président de l’organisation GRAHN-Monde (Groupe de Réflexion et d’Action pour une Haïti Nouvelle). « Si de telles violations des droits humains étaient perpétrées ailleurs, les condamnations seraient immédiates et fermes. Mais quand il s’agit d’Haïtiens, le monde détourne le regard. »
Des familles déchirées, des vies brisées
Au-delà des statistiques et des considérations politiques, ce sont des milliers de vies qui sont bouleversées. Des familles sont séparées, des enfants se retrouvent parfois seuls d’un côté ou de l’autre de la frontière, et des femmes comme Ruth vivent dans la terreur permanente.
« Beaucoup de ces femmes ont fui Haïti pour échapper à la violence des gangs, aux viols utilisés comme arme de guerre. Elles se retrouvent confrontées aux mêmes horreurs de l’autre côté de la frontière, cette fois perpétrées par des agents en uniforme, » explique Roselaure Étiemble, psychologue spécialisée dans le trauma des réfugiés.
Pour la communauté haïtienne en République Dominicaine, estimée à plus d’un million de personnes, l’avenir s’assombrit. La construction d’un mur frontalier entre les deux pays, la politique de « dominicaisation » de l’emploi et les contrôles systématiques dans les hôpitaux ne font qu’accentuer la précarité et la vulnérabilité de cette population.
Un appel à l’action et à la solidarité
Face à cette situation dramatique, plusieurs organisations de défense des droits humains appellent à une mobilisation internationale. Des pétitions circulent pour demander à l’Union Européenne et aux États-Unis d’exercer des pressions diplomatiques sur la République Dominicaine.
« Il est temps que nos compatriotes, où qu’ils soient dans le monde, se mobilisent pour soutenir nos sœurs de Punta Cana, » déclare Maryse Narcisse, femme politique haïtienne. « La solidarité doit dépasser les frontières. »
Les révélations d’El País América ont le mérite de mettre en lumière une réalité souvent occultée par les images de carte postale de Punta Cana. Derrière les palmiers et les complexes touristiques se joue un drame humain qui interpelle notre conscience collective.
Alors que le monde entier continue de profiter des plages idylliques de la République Dominicaine, des femmes comme Ruth se demandent chaque jour si elles devront à nouveau sacrifier leur dignité pour éviter l’expulsion. Une réalité que personne ne devrait avoir à vivre au XXIe siècle.