Deux mois après l’attentat qui l’avait visé en pleine campagne présidentielle, le candidat conservateur Miguel Uribe s’est éteint ce lundi. Sa mort relance les craintes d’un retour aux « années noires » de violence en Colombie et pourrait bouleverser l’équilibre politique du pays voisin d’Haïti.
Une agonie de deux mois qui s’achève
L’épouse de Miguel Uribe Turbay a annoncé ce lundi le décès de son mari, candidat à la présidentielle colombienne de 39 ans. Hospitalisé depuis l’attentat du 7 juin dernier à Bogota, le sénateur conservateur n’aura pas survenu à ses blessures par balles : deux projectiles à la tête et un à la jambe, tirés par un présumé tueur à gages de seulement 15 ans.
« Tu seras toujours l’amour de ma vie. Merci pour une vie pleine d’amour », a écrit Claudia Tarazona sur Instagram, annonçant que son époux laisse derrière lui un jeune fils et trois adolescentes qu’il avait adoptées.
Pour les Haïtiens qui connaissent malheureusement trop bien la violence politique, ce drame résonne particulièrement. La Colombie, pays voisin dans la Caraïbe, traverse une période troublée qui rappelle certains épisodes sombres de l’histoire haïtienne.
Un héritage familial marqué par la tragédie
Miguel Uribe Turbay portait un nom lourd de sens en Colombie. Petit-fils de l’ex-président Julio César Turbay et fils de la journaliste Diana Turbay – kidnappée puis tuée lors d’une opération de sauvetage après son enlèvement par Pablo Escobar – il incarnait une famille politique marquée par la violence.
Cette répétition tragique de l’histoire rappelle aux observateurs caribéens les cycles de violence qui peuvent frapper les démocraties fragiles de la région, y compris Haïti où plusieurs figures politiques ont payé de leur vie leur engagement.
« La démocratie ne se construit pas avec des balles »
La vice-présidente colombienne Francia Márquez a résumé l’émotion nationale : « Aujourd’hui est un jour triste pour le pays. La violence ne peut continuer à marquer notre destin. La démocratie ne se construit pas avec des balles ni avec du sang, elle se construit avec respect, avec dialogue. »
Un message qui trouve un écho particulier chez les Haïtiens de la diaspora colombienne et dans toute la région caribéenne, où les défis démocratiques et sécuritaires se ressemblent souvent.
L’opposition de droite décapitée
Chef de file du parti Centre démocratique, Miguel Uribe était le principal opposant au président de gauche Gustavo Petro. Sa disparition crée un vide béant dans la droite colombienne à moins de deux ans des élections présidentielles.
Selon le politologue León Valencia, « c’était un jeune homme qui avait récemment pris la tête du Centre démocratique, le principal parti d’opposition qui a marqué la politique colombienne au XXIe siècle. »
Un impact sur la campagne présidentielle
La mort de Miguel Uribe risque de transformer radicalement le paysage électoral colombien. Pour León Valencia, « cet assassinat aura un profond impact sur la campagne présidentielle dans le pays » en remettant la sécurité au cœur des débats.
« Quand on discute de sécurité, quand on discute de peur, la droite se sent très à l’aise. C’est son thème de prédilection », explique-t-il, prédisant que « la gauche va avoir du mal » à maintenir le débat sur les réformes sociales.
Le plan de « paix totale » en échec ?
Ce drame intervient alors que le plan de « paix totale » du président Petro – qui prévoit des négociations avec tous les groupes armés – « n’a pas donné vraiment de résultats », selon le politologue Yann Basset. Les autorités pointent du doigt une branche dissidente des FARC pour l’attentat.
Cette situation rappelle aux Haïtiens les défis de la pacification face aux groupes armés, un enjeu commun à plusieurs pays de la région caribéenne et latino-américaine.
La mort de Miguel Uribe marque peut-être un tournant dans l’histoire politique colombienne récente. Pour les observateurs caribéens, ce drame illustre une fois de plus la fragilité des démocraties face à la violence politique, un défi que connaissent malheureusement plusieurs pays de la région, dont Haïti.