À l’approche de la Journée nationale des enseignants, un collectif de jeunes professionnels de l’éducation lance un plaidoyer ambitieux qui allie revendications traditionnelles et préparation aux défis technologiques. Une initiative qui pourrait transformer le métier d’enseignant en Haïti.

Un double combat pour la dignité enseignante

Dans un pays où le tableau noir et la craie demeurent souvent les seuls outils pédagogiques disponibles, parler d’intelligence artificielle (IA) en éducation pourrait sembler prématuré. C’est pourtant le pari audacieux que fait le Collectif des CFEFiens (CO-CFEF), un groupe de jeunes diplômés du Centre de Formation de l’École Fondamentale, qui publiera le 9 mai prochain un document de plaidoyer adressé aux plus hautes instances éducatives du pays.

« Même si nos écoles manquent parfois d’électricité, nos élèves, eux, sont déjà connectés au monde via leurs téléphones. L’IA transforme déjà leurs façons d’apprendre, que nous y soyons préparés ou non, » explique le document qui sera bientôt rendu public.

Entre précarité et modernité : le grand écart haïtien

Le plaidoyer du CO-CFEF s’inscrit dans un contexte national particulièrement difficile. Alors que l’insécurité continue de paralyser de nombreux établissements scolaires, notamment dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince, le collectif refuse de limiter ses revendications aux seules questions salariales ou sécuritaires.

« Bien sûr, nous réclamons des salaires décents et des conditions de travail dignes pour tous les enseignants, » précise le document, « mais nous devons simultanément préparer l’avenir, sous peine de voir l’écart se creuser davantage entre nos enfants et ceux des pays voisins. »

Cette approche résonne particulièrement dans la diaspora haïtienne, où de nombreux parents constatent l’intégration rapide des technologies éducatives dans les écoles américaines, canadiennes ou françaises que fréquentent leurs enfants.

Des propositions concrètes pour une école haïtienne réinventée

Le CO-CFEF ne se contente pas de dresser un constat. Il formule des recommandations précises :

  • L’intégration de modules de formation à l’IA dès la formation initiale des enseignants
  • Le renforcement de la discipline « Technologie et activités productives » dans les programmes scolaires
  • La mise en place d’un référentiel national de compétences numériques adapté aux réalités haïtiennes
  • La création d’un Observatoire National de l’Éducation Fondamentale en Haïti

« Nous proposons de commencer par des projets pilotes dans les zones où l’accès à l’électricité et à internet est plus stable, tout en développant des solutions alternatives pour les régions plus isolées, comme les bibliothèques numériques portables ou les radios éducatives communautaires, » suggère le collectif.

Une démarche qui s’appuie sur les initiatives existantes

Le plaidoyer du CO-CFEF s’inscrit dans le prolongement du référentiel ministériel publié le 5 octobre 2023, qui formalisait déjà certaines compétences attendues des enseignants haïtiens. Toutefois, le collectif appelle à accélérer le processus et à l’adapter aux réalités technologiques actuelles.

Cette initiative fait également écho aux efforts de certaines écoles pilotes de la capitale et des grandes villes de province qui, malgré les difficultés, tentent déjà d’intégrer les outils numériques dans leurs pratiques pédagogiques.

Un appel à la mobilisation de tous les acteurs

Face à l’ampleur du défi, le CO-CFEF appelle à une mobilisation concertée des syndicats, du gouvernement et des partenaires techniques et financiers internationaux. Le collectif entend fédérer les énergies autour d’un projet éducatif national qui allie justice sociale pour les enseignants et préparation aux défis du futur.

« Nous invitons tous les Haïtiens, qu’ils soient au pays ou à l’étranger, à se joindre à cette réflexion cruciale. L’école haïtienne ne peut plus attendre : c’est aujourd’hui que nous devons poser les bases de l’éducation de demain, » conclut le document.

Alors que la célébration de la Journée nationale des enseignants approche, ce plaidoyer novateur pourrait bien marquer un tournant dans le débat éducatif haïtien. Entre crise et espoir, le CO-CFEF choisit résolument de parier sur l’avenir.

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