Fini le calvaire des démarches administratives pour les Haïtiens à l’étranger ? La ministre Kathia Verdier promet une révolution dans l’accès aux documents officiels, avec des résultats déjà visibles en République dominicaine où 3 000 passeports ont été délivrés en deux semaines.
Pour des millions d’Haïtiens dispersés aux quatre coins du monde, obtenir un simple passeport ou un casier judiciaire relève souvent du parcours du combattant. Mais cette époque pourrait bien toucher à sa fin. Dans une interview accordée au Nouvelliste ce mardi 29 juillet, Kathia Verdier, ministre des Haïtiens vivant à l’étranger (MHAVE), annonce une série de réformes qui changent déjà la donne pour nos compatriotes de la diaspora.
« Sans papiers, pas d’avenir » : le cri d’alarme de la ministre
« Les problèmes d’identité de nos compatriotes à l’étranger causent beaucoup de difficultés, notamment l’impossibilité d’obtenir des bourses, des emplois ou de participer à des programmes de régularisation », martèle Kathia Verdier. Un constat que connaissent bien tous ceux qui ont tenté de régulariser leur situation dans leur pays d’accueil.
Que vous soyez à Miami, Montréal, Paris ou Santiago, l’histoire est souvent la même : sans documents haïtiens valides, impossible de postuler pour ce job tant espéré, d’inscrire les enfants à l’université ou de bénéficier d’un programme d’amnistie migratoire. Une situation d’autant plus frustrante que beaucoup de nos compatriotes ont quitté Haïti précipitamment, sans avoir pu emporter leurs papiers.
« MHAVE à l’écoute » : la hotline qui change tout
Pour briser ce cercle vicieux, le ministère a lancé « MHAVE à l’écoute », un centre d’appel qui fait déjà des miracles. « Grâce à MHAVE à l’écoute, nous sommes présents dans plusieurs pays. Ce centre nous permet de suivre les dossiers avec les institutions concernées, notamment la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ), pour les extraits de casier judiciaire qui sont très demandés en Amérique latine », explique la ministre.
Cette innovation technologique représente une révolution pour la diaspora. Fini le temps où il fallait connaître quelqu’un qui connaît quelqu’un pour faire avancer un dossier depuis l’étranger. Désormais, un simple appel permet de suivre l’évolution de sa demande de casier judiciaire ou de passeport.
République dominicaine : la success story qui inspire
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : plus de 3 000 passeports délivrés en seulement deux semaines en République dominicaine. Un exploit qui a permis de réduire drastiquement la liste d’attente qui dépassait les 5 000 demandes. « Cette performance montre l’engagement du ministère à garantir les droits administratifs des Haïtiens, où qu’ils se trouvent », se félicite Kathia Verdier.
Pour nos compatriotes vivant en République dominicaine – ils sont près de 500 000 selon les estimations – cette amélioration tombe à pic. Avec les tensions diplomatiques récurrentes entre les deux pays, disposer de papiers haïtiens valides devient encore plus crucial pour éviter les expulsions arbitraires.
Chili : le scandale des cartes d’identité qui dorment
Mais tout n’est pas rose. La ministre avoue sa déception lors de sa récente tournée sud-américaine. « De nombreux Haïtiens vivant au Chili n’avaient toujours pas de carte d’identification nationale, malgré la présence de matériel d’enregistrement depuis cinq ans », déplore-t-elle.
Cette situation illustre parfaitement les dysfonctionnements administratifs qui handicapent nos compatriotes. Au Chili, où vivent des dizaines de milliers d’Haïtiens arrivés après le séisme de 2010, l’absence de carte d’identité haïtienne bloque l’accès à des programmes de régularisation essentiels.
Les jeunes aussi dans le viseur
Le MHAVE ne se contente pas de gérer les papiers. La ministre annonce le lancement d’un programme de stage d’été révolutionnaire pour les jeunes de la diaspora. « Nous avons reçu plus de 700 candidatures en deux semaines », révèle-t-elle, précisant que certains stagiaires pourraient même décrocher un emploi dès le début de la prochaine année fiscale.
Cette initiative vise les étudiants haïtiens en sciences sociales, droit, communication, technologies de l’information… Une manière intelligente de reconnecter la diaspora étudiante avec Haïti tout en leur offrant une expérience professionnelle précieuse.
Une loi organique après 30 ans d’attente
Autre motif de satisfaction pour Kathia Verdier : la finalisation de la loi organique du MHAVE. « Cela fait plus de 30 ans que le ministère existe sans loi organique. C’est un moment historique. Cette loi est, en quelque sorte, l’acte de naissance juridique de l’institution », s’enthousiasme-t-elle.
Cette reconnaissance juridique officielle devrait renforcer les moyens d’action du ministère et clarifier ses prérogatives face aux autres institutions.
Vers une diaspora mieux outillée
Ces avancées marquent-elles le début d’une nouvelle ère pour les Haïtiens de l’étranger ? Les premiers résultats sont encourageants, mais le défi reste immense. Avec plus de 2 millions d’Haïtiens vivant à l’étranger selon les estimations, les besoins en documentation officielle sont colossaux.
Pour nos compatriotes qui galèrent depuis des années avec des papiers expirés ou inexistants, ces réformes représentent un espoir concret. Car comme dit le proverbe créole : « Papye se nanm moun nan » – les papiers, c’est l’âme de l’homme. Sans eux, on n’existe pas officiellement. Mais avec les efforts de Kathia Verdier, cette invisibilité administrative pourrait bientôt appartenir au passé.
