Donald Trump frappe encore. Le nouveau président américain vient d’interdire l’entrée aux États-Unis aux ressortissants de douze pays, dont Haïti. Face à cette mesure qui divise les familles haïtiennes des deux côtés de l’Atlantique, Port-au-Prince mise sur la diplomatie plutôt que sur la confrontation. Une stratégie payante ou un manque de fermeté ?

Haïti dans le collimateur américain

Moins de 24 heures après l’annonce du décret présidentiel, la nouvelle a fait l’effet d’une bombe dans la communauté haïtienne. Dès le 9 juin 2025, les Haïtiens ne pourront plus entrer sur le territoire américain, rejoignant ainsi une liste de douze pays jugés « non coopératifs » par Washington.

Cette décision touche de plein fouet une diaspora haïtienne déjà fragilisée. Combien de nos compatriotes attendaient un visa pour rejoindre leur famille à Miami, New York ou Boston ? Combien de projets familiaux viennent d’être brisés net ? Les conséquences sont immédiates et douloureuses pour des milliers de familles.

Pour justifier cette mesure drastique, l’administration Trump évoque la nécessité de « protéger les États-Unis contre les terroristes étrangers », en référence à un attentat au Colorado. Paradoxalement, l’auteur de cet attentat était égyptien, un pays qui n’figure pas sur la liste des interdits.

La réponse mesurée de Port-au-Prince

Face à cette gifle diplomatique, le gouvernement haïtien a choisi la retenue. Dans un communiqué officiel, le Ministère des Affaires étrangères « prend acte » de la décision américaine tout en rappelant les efforts d’Haïti pour renforcer la sécurité de ses frontières.

Cette réaction contraste singulièrement avec celle du Tchad, autre pays visé par le décret. N’Djamena a immédiatement suspendu l’octroi de visas aux Américains, son président martelant : « Le Tchad a sa dignité et sa fierté. » Une leçon de courage que certains Haïtiens aimeraient voir leur gouvernement adopter.

Mais Port-au-Prince justifie sa prudence par le réalisme politique. Avec les gangs qui contrôlent 60% du territoire national et une économie au bord du gouffre, Haïti ne peut se permettre de perdre son principal partenaire international.

Quand les gangs deviennent un prétexte

L’ironie de la situation saute aux yeux : Washington reproche à Haïti son manque de coopération en matière de sécurité, alors même que les États-Unis peinent à livrer l’aide promise pour combattre les gangs armés.

Ces mêmes gangs, récemment classés « groupes terroristes », servent aujourd’hui de justification à Trump pour sanctionner les citoyens haïtiens ordinaires. Une logique qui pénalise les victimes plutôt que de s’attaquer aux causes profondes du problème.

Les Haïtiens de la diaspora, qui envoient chaque année plus de 3 milliards de dollars au pays, se retrouvent pris en otage d’une situation qu’ils ne contrôlent pas. Eux qui fuient justement l’insécurité se voient maintenant interdire l’accès à leur terre d’accueil.

Des exceptions qui ne rassurent pas

Le décret prévoit certes quelques exceptions : visas déjà délivrés, résidents permanents, diplomates et cas humanitaires comme les adoptions d’enfants haïtiens. Mais ces dérogations restent insuffisantes face à l’ampleur du problème.

Combien de jeunes Haïtiens brillants verront leurs rêves d’études américaines s’écrouler ? Combien d’entrepreneurs ne pourront plus développer leurs projets entre les deux pays ? Cette mesure risque d’assécher davantage les échanges économiques et culturels qui lient nos deux nations.

Le pari risqué de la diplomatie silencieuse

En choisissant le dialogue plutôt que la confrontation, Haïti mise sur sa capacité à convaincre Washington de lever rapidement ces restrictions. Le gouvernement haïtien rappelle d’ailleurs la « Déclaration de Los Angeles » de 2022 sur une migration « sûre et ordonnée ».

Cette stratégie peut porter ses fruits si Port-au-Prince arrive à démontrer concrètement ses efforts en matière de sécurité. Mais elle risque aussi d’être perçue comme un manque de fermeté face à une mesure injuste qui frappe aveuglément tous les Haïtiens.

La communauté haïtienne-américaine, forte de plus d’un million de personnes, constitue un atout majeur dans cette bataille diplomatique. Son poids électoral et économique pourrait peser dans la balance pour faire fléchir Trump.


Cette nouvelle restriction migratoire révèle une fois de plus la fragilité de la position haïtienne sur l’échiquier international. Entre dignité et pragmatisme, nos dirigeants naviguent dans les eaux troubles de la géopolitique. Mais une question demeure : jusqu’où Haïti peut-elle courber l’échine sans perdre son âme ? L’avenir de nos relations avec les États-Unis se joue peut-être dans les prochaines semaines.

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