Un tabou politique américain vole en éclats. Pour la première fois, des figures de proue du mouvement « Make America Great Again » remettent ouvertement en question le soutien inconditionnel des États-Unis à Israël. Même Donald Trump, pourtant fervent défenseur de Benjamin Netanyahu lors de son premier mandat, laisse transparaître son agacement face à la guerre à Gaza. Un bouleversement qui pourrait redéfinir la politique étrangère américaine au Moyen-Orient.
Quand une trumpiste parle de « génocide »
L’impensable s’est produit. Marjorie Taylor Greene, figure emblématique de l’aile dure républicaine et fidèle parmi les fidèles de Trump, a franchi le Rubicon. Sur X, elle a utilisé le mot « génocide » pour décrire les actions israéliennes à Gaza, devenant la première élue républicaine au Congrès à oser ce terme.
« Le 7-Octobre en Israël a été horrible, et tous les otages doivent être rendus, mais c’est aussi le cas pour le génocide, la crise humanitaire, et la faim qui se déroulent à Gaza », a-t-elle écrit. Une déclaration qui aurait été impensable il y a encore quelques mois dans les rangs républicains.
L’élue de Géorgie n’en est pas restée aux mots. Mi-juillet, elle a proposé une loi pour couper 500 millions de dollars de financement au système de défense antiaérienne israélien. Son argument ? « Israël est un pays doté de l’arme nucléaire, bien capable de se défendre lui-même. »
Trump lui-même montre des signes d’agacement
Le changement le plus spectaculaire vient peut-être de Donald Trump lui-même. L’homme qui avait déménagé l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem lors de son premier mandat semble aujourd’hui moins accommodant avec Netanyahu.
Lundi, le président américain s’est ému que « beaucoup de gens sont affamés » à Gaza. Interrogé sur les déclarations de Netanyahu niant l’existence d’une crise humanitaire dans le territoire palestinien, Trump a répondu sans détour : « De ce qui est montré à la télévision, je dirais non, pas particulièrement, parce que ces enfants ont l’air d’avoir très faim. »
Son vice-président JD Vance est allé encore plus loin, évoquant des images « déchirantes » de « petits enfants qui meurent de faim » et appelant Israël à laisser entrer davantage d’aide humanitaire.
Une fracture générationnelle qui bouleverse tout
Les chiffres révèlent une rupture profonde. Selon une enquête du Pew Research Center menée fin mars, 50% des sympathisants républicains de 18 à 49 ans ont une opinion défavorable d’Israël, contre seulement 23% chez les plus de 50 ans.
Steve Bannon, l’idéologue d’extrême droite et ex-conseiller de Trump, ne mâche pas ses mots : « Il semble que chez les moins de 30 ans de la base MAGA, Israël ne bénéficie de quasiment aucun soutien. » En juin, il était allé jusqu’à affirmer qu’Israël n’était pas « un allié des États-Unis. »
Les poids lourds conservateurs lâchent Israël
Cette évolution ne se limite pas aux élus. Tucker Carlson, ancien présentateur vedette de Fox News et voix influente de la droite américaine, avait vivement critiqué en juin les frappes israéliennes sur l’Iran, exhortant les États-Unis à ne pas s’en mêler.
Même la Heritage Foundation, think tank conservateur ultra-influent, a estimé en mars que Washington devrait « réorienter sa relation avec Israël » vers un « partenariat stratégique égal » plutôt qu’un soutien inconditionnel.
L’isolationnisme trumpiste face à l’interventionnisme traditionnel
Cette remise en question reflète une tension fondamentale au sein du mouvement MAGA. D’un côté, l’influence historique des évangéliques qui voient en Israël l’accomplissement des prophéties bibliques. De l’autre, la doctrine « America First » qui rejette les engagements militaires à l’étranger.
Pour la jeune génération MAGA, nourrie aux réseaux sociaux et aux images de la guerre à Gaza, l’équation est simple : pourquoi dépenser des milliards pour Israël quand l’Amérique a ses propres problèmes ?
Des divisions qui persistent malgré tout
Un sondage Gallup publié mardi nuance toutefois cette évolution. Dans l’ensemble, 71% des sympathisants républicains approuvent encore les opérations militaires israéliennes à Gaza, contre seulement 8% de démocrates. Mais cette majorité cache des fractures générationnelles qui ne cessent de s’approfondir.
Un tournant historique en vue ?
Pour la première fois depuis la création d’Israël en 1948, le soutien américain ne fait plus consensus à droite. Cette évolution pourrait-elle influencer la politique de Trump dans les mois à venir ?
L’enjeu dépasse le seul cadre du conflit israélo-palestinien. C’est toute la doctrine de politique étrangère américaine au Moyen-Orient qui pourrait être remise en question. Entre les pressions de sa base jeune et les lobbies traditionnels pro-israéliens, Trump navigue désormais en terrain miné.
Pour les observateurs internationaux, y compris en Haïti où les questions de souveraineté et d’intervention étrangère résonnent particulièrement, cette évolution américaine mérite d’être suivie de près. Elle pourrait préfigurer un changement plus large dans l’approche de Washington vis-à-vis de ses alliés traditionnels.