Avec un taux de réussite de 96,5% aux examens de 9e année fondamentale, le ministre Antoine Augustin affiche un bilan positif. Mais derrière ces chiffres encourageants se cachent des réalités préoccupantes : fraudes, décrochage scolaire massif et inégalités criantes qui interpellent sur l’état réel de l’éducation haïtienne.
Plus de 300 000 candidats, des centres d’examens dispersés à travers le pays, et des enjeux qui dépassent largement les simples notes. Le bilan des examens officiels 2024-2025 présenté par le ministre de l’Éducation Augustin Antoine lors du 17e numéro des « Mardis de la Nation » révèle à la fois des motifs de satisfaction et des défis majeurs pour l’école haïtienne.
Des chiffres qui rassurent en surface
Au total, 303 963 candidats se sont présentés aux différents examens officiels cette année. La répartition révèle la pyramide éducative haïtienne : 188 141 candidats pour la 9e année fondamentale, 97 792 pour le Secondaire IV, et des effectifs plus restreints pour les autres niveaux, notamment 14 292 pour le baccalauréat permanent.
Le ministre Antoine a particulièrement salué le taux de réussite exceptionnel de 96,5% pour les examens de 9e année fondamentale. Un chiffre qui, à première vue, témoigne de la qualité du travail accompli par les élèves et leurs enseignants malgré les conditions difficiles.
Quand la fraude ternit la réussite
Mais ce tableau idyllique cache une réalité moins reluisante. Le ministre n’a pas hésité à dénoncer les cas de tricherie qui ont émaillé ces examens. Dans l’Ouest, les Nippes et d’autres régions, des surveillants ont été pris en flagrant délit de distribution des sujets d’examens via leurs téléphones portables.
« Ces personnes ont été arrêtées et mises en détention pour les suites judiciaires », a précisé le ministre. Une fermeté qui témoigne de la volonté des autorités de préserver l’intégrité du système éducatif, mais qui soulève aussi des questions sur l’ampleur réelle de ces pratiques.
Pour nos compatriotes de la diaspora qui envoient leurs enfants passer les examens en Haïti pendant les vacances, ces révélations sont particulièrement préoccupantes. Elles remettent en question la valeur réelle des diplômes obtenus dans de telles conditions.
L’insécurité s’invite dans les salles d’examen
L’impact de la crise sécuritaire s’est également fait ressentir. À Lascahobas, les examens ont dû être annulés suite à des alertes de violence. Les épreuves ont finalement été reorganisées le 9 juillet à Thomonde et Belladère, illustrant la capacité d’adaptation du système, mais aussi sa fragilité face aux soubresauts du pays.
Cette situation rappelle douloureusement aux familles haïtiennes, tant au pays qu’à l’étranger, que l’éducation de leurs enfants reste à la merci de l’instabilité qui frappe le pays.
Le drame silencieux du décrochage scolaire
Au-delà des chiffres de réussite, le ministre a révélé une statistique alarmante qui devrait interpeller tous les Haïtiens : sur plus d’un million d’enfants inscrits à l’école, seuls 188 000 atteignent la 9e année fondamentale.
Ce décrochage massif, qualifié de « crise silencieuse » par la Primature, trouve ses racines dans des facteurs multiples : grèves prolongées, pauvreté, instabilité familiale et manque de suivi pédagogique. Autant de maux qui frappent particulièrement les familles les plus vulnérables.
Le baccalauréat sous haute surveillance
Concernant le baccalauréat, débuté le 14 juillet, le ministre s’est montré optimiste. « Tout se passe comme sur des roulettes », a-t-il déclaré, malgré quelques retards dans certains centres de l’Ouest. L’appui coordonné des forces de sécurité, des parents et des acteurs du secteur semble porter ses fruits.
Pour les milliers de jeunes Haïtiens qui passent ce sésame vers l’enseignement supérieur, ces examens représentent bien plus qu’une simple évaluation : ils incarnent l’espoir d’un avenir meilleur dans un pays où les opportunités se font rares.
Si le taux de réussite de 96,5% peut réjouir, il ne doit pas masquer les défis structurels de l’éducation haïtienne. Entre fraudes, décrochage massif et inégalités criantes, le système éducatif haïtien a besoin de réformes profondes. Car derrière chaque statistique se cachent des destins d’enfants, porteurs des espoirs d’un pays qui mise tout sur l’éducation pour sortir de la crise. La question demeure : ces examens forment-ils vraiment les citoyens dont Haïti a besoin pour son développement ?