La France a vécu jeudi une journée de grève massive avec plus d’un million de personnes dans les rues selon les syndicats. Cette mobilisation historique contre les mesures d’austérité touche directement les communautés immigrées, dont les Haïtiens installés dans l’Hexagone.
L’Hexagone s’est réveillé paralysé jeudi matin. Des centaines de milliers de Français, rejoints par de nombreux résidents étrangers dont des membres de la diaspora haïtienne, ont répondu à l’appel des syndicats pour protester contre les coupes budgétaires annoncées par le nouveau Premier ministre Sébastien Lecornu.
Une mobilisation qui dépasse les frontières sociales
Avec plus d’un million de manifestants selon la CGT – un chiffre supérieur aux grandes grèves contre la réforme des retraites de 2023 – cette journée marque un tournant. À Paris, Lyon, Marseille ou Nantes, les cortèges ont rassemblé des profils variés : ouvriers, enseignants, employés du service public, mais aussi de nombreux travailleurs issus de l’immigration.
« C’est nous qui sommes toujours les premiers touchés par ces politiques d’austérité », confie Marie-Claire, aide-soignante d’origine haïtienne rencontrée dans le cortège parisien. « Quand ils coupent dans les services publics, c’est notre travail qui disparaît en premier. »
Cette réalité résonne particulièrement dans la communauté haïtienne de France, massivement employée dans les secteurs de la santé, de l’éducation et des services à la personne – précisément ceux visés par le plan d’économies de 44 milliards d’euros.
Des mesures qui frappent les plus fragiles
Le gouvernement Lecornu envisage des coupes drastiques : gel des prestations sociales, réforme de l’assurance-chômage, réductions dans les services publics. Des mesures qui touchent directement les familles modestes, notamment celles de la diaspora haïtienne qui dépendent souvent de ces dispositifs sociaux.
« Quand on voit combien les plus riches peuvent se gaver sur notre dos et qu’on demande encore plus aux classes populaires de se serrer la ceinture, au bout d’un moment, ce n’est plus possible », témoigne Paul, un technicien de 29 ans croisé dans la manifestation parisienne.
Cette colère fait écho aux préoccupations de nombreuses familles haïtiennes qui, entre les transferts d’argent vers Haïti et les difficultés économiques en France, voient leurs conditions de vie se dégrader.
Un gouvernement fragilisé face à la rue
Troisième Premier ministre nommé par Emmanuel Macron depuis juin 2024, Sébastien Lecornu se retrouve dans la même impasse que son prédécesseur François Bayrou, dont le gouvernement a été renversé le 8 septembre dernier pour les mêmes raisons budgétaires.
Les syndicats, menés par Sophie Binet de la CGT, parlent d' »ultimatum » et promettent de nouvelles actions si le gouvernement ne change pas de cap. Une escalade qui pourrait paralyser davantage un pays déjà en crise politique profonde.
Une leçon pour Haïti ?
Pour les Haïtiens qui suivent cette actualité depuis Port-au-Prince, ces manifestations françaises offrent un contraste saisissant. Là où la France voit des centaines de milliers de citoyens descendre pacifiquement dans la rue pour défendre leurs droits sociaux, Haïti peine encore à organiser une contestation sociale structurée face à ses propres défis économiques.
Cette mobilisation rappelle aussi l’importance des acquis sociaux que beaucoup de Haïtiens de la diaspora ont découverts en France et qu’ils ne sont pas prêts à abandonner sans résistance.
Alors que la France traverse sa énième crise politique depuis 2022, les communautés immigrées, dont les Haïtiens, se retrouvent en première ligne d’un combat qui les dépasse mais les concerne au premier chef. Cette mobilisation historique témoigne d’une France qui refuse l’austérité – une leçon de démocratie sociale que beaucoup d’autres pays, y compris Haïti, pourraient méditer.