Le président du Conseil présidentiel de transition s’attaque au Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé sur des contrats d’État, mais l’arroseur arrosé : l’un des contrats qu’il dénonce porte sa propre signature. Une bourde qui révèle les dessous d’une guerre de pouvoir au sommet de l’État.

C’est le genre de situation qui ferait rire si elle n’était pas si révélatrice de l’état de notre classe politique. Fritz Alphonse Jean, président du Conseil présidentiel de transition (CPT), vient d’adresser une lettre au Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé pour dénoncer des contrats passés entre l’État haïtien et certaines entreprises. Le hic ? L’un des contrats qu’il pointe du doigt porte sa propre signature.

Cette bourde spectaculaire illustre parfaitement le niveau de confusion qui règne au sommet de l’État haïtien, pendant que nos compatriotes continuent de fuir le pays par milliers.

Une lettre qui fait pschitt

La lettre, qui a fait le tour des rédactions avant même d’arriver sur le bureau du Premier ministre, était censée mettre Fils-Aimé dans l’embarras. Mais c’est Fritz Jean qui se retrouve dans une position délicate. Selon nos informations, le contrat relatif à la sécurité qu’il dénonce aurait été signé conjointement par lui-même et le Premier ministre.

Cette situation rappelle ces moments gênants où l’on critique quelqu’un pour ensuite réaliser qu’on a fait la même chose. Sauf qu’ici, il s’agit de contrats d’État impliquant l’argent du contribuable haïtien, y compris celui de la diaspora qui envoie des milliards au pays chaque année.

Des contrats qui divisent

Au cœur de cette polémique, plusieurs dossiers sensibles. Le contrat entre l’Autorité portuaire nationale (APN) et le CPS, d’une durée de 27 ans, daterait en réalité de 2023 sous l’administration d’Ariel Henry. Quant au système de production des passeports, cette éternelle source de frustration pour nos compatriotes à l’étranger, il cristallise les tensions.

La Primature souhaiterait moderniser ce système vétuste qui complique la vie de millions d’Haïtiens dans le monde. Fritz Jean, lui, voudrait maintenir le statu quo. Selon nos sources, l’économiste entretiendrait des relations privilégiées avec les responsables de la compagnie qui gère actuellement le système.

« Une guerre sans merci »

Cette guerre ouverte entre les deux hommes ne date pas d’hier. Elle aurait éclaté lors du refus du Premier ministre de participer à un conseil des ministres sans quorum pour adopter le décret référendaire. C’est à cette occasion que Fritz Jean aurait annoncé à Fils-Aimé qu’il lui livrerait « une guerre sans merci ».

Aujourd’hui, cette guerre prend une tournure particulièrement embarrassante pour le président du CPT, dont le mandat se termine le 7 août prochain.

L’effet boomerang

Cette affaire illustre parfaitement le proverbe créole « chen gen dèt ak zo » (le chien a des dettes avec l’os). En voulant embarrasser son rival, Fritz Jean s’est lui-même piégé, révélant au grand jour les contradictions et les luttes d’intérêts qui minent l’exécutif haïtien.

Pendant que nos dirigeants se tirent dans les pattes et s’embarrassent mutuellement, Haïti continue de sombrer. Cette bourde de Fritz Jean symbolise tout ce qui ne va pas dans notre gouvernance : des responsables qui ne savent même plus ce qu’ils signent, mais qui trouvent le temps de se faire la guerre pour des contrats. Nos compatriotes méritent mieux que ce spectacle désolant.

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