L’ancien coordonnateur du CPT révèle n’avoir pas été informé du remplacement du chef de la PNH. Une déclaration qui soulève des questions sur les mécanismes de décision au sommet de l’État, alors que le pays traverse sa pire crise sécuritaire.

L’aveu est pour le moins surprenant. Fritz Alphonse Jean, ancien coordonnateur du Conseil présidentiel de transition (CPT), affirme avoir découvert comme tout le monde le limogeage de Rameau Normil et la nomination de Vladimir Paraison à la tête de la PNH. « Je n’étais pas au courant. Il n’y a eu aucune communication à ce sujet avec moi », a-t-il déclaré sur les ondes de Magik 9 dimanche matin.

Cette révélation interpelle. Comment un membre du CPT, institution censée superviser les grandes décisions sécuritaires, peut-il être tenu à l’écart d’un changement aussi crucial ? Pour les Haïtiens qui observent les tensions au sommet de l’État, cette situation révèle les dysfonctionnements d’un système de gouvernance déjà fragile.

Absent au moment décisif

Fritz Jean était en effet aux abonnés absents lors des événements du 8 août. Ni présent au Conseil des ministres qui a entériné la décision, ni à la cérémonie d’installation de Vladimir Paraison, l’ancien coordonnateur se trouvait à Sainte-Suzanne, dans le Nord-Est, « dans un moment de recueillement » selon ses propres mots.

Ce déplacement, qu’il justifie par les célébrations de l’anniversaire de sa commune natale et une évaluation des besoins locaux, l’a coupé des communications officielles. « La communication est si difficile qu’il y a toute une série de nouvelles qui se passent à Port-au-Prince et que j’apprends tardivement », a-t-il expliqué.

Une excuse qui peut sembler légère quand on connaît l’importance stratégique des communications dans les hautes sphères de l’État, surtout en période de crise.

Le soutien indéfectible à Normil

Cette mise à l’écart prend un sens particulier quand on rappelle que Fritz Jean faisait partie des rares conseillers à soutenir publiquement Rameau Normil. Depuis novembre 2024, les tensions entre la Primature et l’ancien chef de la PNH s’intensifiaient, créant des camps opposés au sein même du CPT.

En mars 2025, Fritz Jean déclarait encore au Nouvelliste que « la situation s’était calmée depuis longtemps ». Une évaluation qui s’avérait manifestement prématurée, les divisions s’approfondissant jusqu’à la crise d’avril où un membre du Conseil, Emmanuel Vertilaire, menaçait de démissionner si Normil n’était pas écarté.

Les coûts d’une gouvernance paralysée

Pendant que ces querelles de palais monopolisaient l’énergie des dirigeants, la situation sécuritaire continuait de se dégrader. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : entre janvier et mai 2025, selon le Haut-Commissariat aux droits de l’homme, 2 680 personnes ont été tuées, dont 54 enfants. Plus de 950 ont été blessées, 316 kidnappées, et 1,3 million contraintes de fuir leur foyer.

Ces statistiques glaciales résonnent particulièrement dans les familles haïtiennes, qu’elles soient à Port-au-Prince, dans les provinces ou dans la diaspora. Pendant que les responsables politiques se déchiraient sur des questions de personnes, les gangs gagnaient du terrain à Mirebalais, Saut-d’Eau, dans certaines localités de Kenscoff.

Pour les Haïtiens de l’étranger qui envoient de l’argent à leurs proches restés au pays, ces divisions au sommet de l’État représentent une source d’inquiétude majeure. Comment faire confiance à des institutions où l’information ne circule pas, où les décisions cruciales se prennent dans l’opacité ?

Un système de gouvernance défaillant

L’épisode Fritz Jean révèle au grand jour les failles d’un système de gouvernance transitoire qui peine à fonctionner de manière cohérente. Si un membre du CPT peut être tenu à l’écart d’une décision aussi importante que le changement à la tête de la police nationale, que dire de la transparence envers la population ?

Cette situation rappelle aux Haïtiens les périodes les plus sombres de la gouvernance du pays, où les décisions se prenaient dans l’ombre, loin des regards et des débats démocratiques.

L’ignorance affichée de Fritz Jean sur le limogeage de Normil pose une question fondamentale : dans un pays en crise profonde, peut-on se permettre une gouvernance où l’information ne circule pas entre les plus hauts responsables ? Pour les Haïtiens qui attendent des réponses concrètes face à l’insécurité, ces dysfonctionnements au sommet de l’État constituent un signal d’alarme supplémentaire sur la capacité des institutions transitoires à relever les défis du moment.

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