Le ministre des Affaires étrangères trace une nouvelle trajectoire pour Haïti sur la scène internationale. Modernisation, dialogue régional et appui aux Haïtiens de la diaspora : voici comment le gouvernement entend redorer l’image du pays et régler ses défis les plus pressants.
Une diplomatie réinventée pour les réalités haïtiennes
Le système diplomatique haïtien est en transformation. C’est le message que le ministre des Affaires étrangères et des Cultes (MAEC), Jean-Victor Harvel Jean-Baptiste, a martelé lors des « Mardis de la Nation », l’événement de présentation des politiques gouvernementales organisé à la Primature le 7 octobre dernier.
Fini la diplomatie passive et déconnectée des enjeux nationaux. Place à une approche décrite comme « plus stratégique, proactive et ancrée dans les réalités nationales ». Le chancellier a présenté les cinq piliers qui structurent dorénavant le travail de son ministère, une feuille de route qui reflète l’ambition du Conseil présidentiel de transition (CPT) de sortir Haïti de l’isolement et de la marginalisation.
Cinq priorités qui parlent aux Haïtiens
Selon Jean-Victor Harvel Jean-Baptiste, la diplomatie haïtienne se concentre désormais sur cinq axes stratégiques. D’abord, améliorer les conditions de vie des Haïtiens de la diaspora — une priorité qui résonne particulièrement pour les millions de Haïtiens dispersés à travers le monde, de Miami à Montréal, de Paris à Santo-Domingo. C’est une reconnaissance que la diaspora reste un pilier économique et culturel du pays, bien souvent oubliée dans les politiques gouvernementales.
Deuxième axe : promouvoir une image positive et crédible d’Haïti à l’international. Après des années marquées par l’insécurité, les crises politiques et l’instabilité, cette réorientation symbolise la volonté de changer le narratif mondial sur le pays. Plus qu’une affaire d’image, c’est une bataille pour la crédibilité et l’investissement étrangère.
Viennent ensuite trois autres piliers essentiels : la sauvegarde de la souveraineté nationale, la défense des valeurs fondamentales et universelles, et la valorisation des produits haïtiens sur les marchés étrangers. Cette dernière priorité ouvre des perspectives pour l’agriculture, l’artisanat et les industries créatives haïtiennes — des secteurs qui pourraient générer emplois et revenus s’ils bénéficiaient d’un véritable appui diplomatique.
Haïti crie au monde : nous avons besoin de vous
Un moment clé illustre cette nouvelle dynamique : le rôle actif de la diplomatie haïtienne dans la transformation de la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS) en une véritable force internationale de répression des gangs. Cette transformation, officialisée par la résolution 2793 du Conseil de sécurité des Nations unies, était cruciale pour Haïti — un pays qui étouffe sous la violence des gangs depuis des années.
Mais pour y arriver, il a fallu convaincre les grandes puissances. Le ministre a révélé un détail révélateur : il s’était rendu à Pékin pour solliciter le soutien de la Chine. « J’ai été reçu par le vice-ministre des affaires étrangères de la Chine qui a qualifié la rencontre d’amicale », a confié Jean-Victor Harvel Jean-Baptiste. Ce voyage diplomatique symbolise une Haïti qui ne se contente plus de subir les décisions internationales, mais qui les façonne activement.
Le dialogue avec la République dominicaine : des progrès silencieux mais concrets
Les relations entre Haïti et la République dominicaine constituent un dossier sensible depuis longtemps. Frontaliers depuis plus de trois siècles, les deux pays ont une histoire compliquée faite de tensions commerciales, de disputes sur la délimitation maritime, et des différends sur l’immigration haïtienne en territoire dominicain.
Le ministre affirme que les contacts réguliers avec son homologue dominicain, Roberto Álvarez, portent leurs fruits. « On a eu plusieurs réunions bilatérales. On est très avancé. Très prochainement des décisions vont être annoncées », a assuré Jean-Victor Harvel Jean-Baptiste, tout en gardant le silence sur la nature exacte de ces mesures.
Pour les Haïtiens, particulièrement ceux qui vivent ou travaillent en République dominicaine, ce rapprochement diplomatique pourrait s’avérer significatif. Mieux vaut un dialogue qu’une confrontation, mais les détails de ces négociations resteront à surveiller de près.
La diplomatie sort de la capitale
L’une des annonces les plus intéressantes concerne la modernisation du service diplomatique lui-même. Le gouvernement a lancé un ambitieux programme de formation : 82 nouveaux candidats au Master II en diplomatie et coopération internationale à l’Académie diplomatique Jean Price-Mars (ADJPM). Cette initiative vise à renforcer le corps diplomatique haïtien et à assurer une relève capable de défendre les intérêts du pays.
Mais il y a plus : un nouveau bureau du MAEC ouvrira prochainement à Cap-Haïtien, dans le Nord. Cette décentralisation est révolutionnaire pour un pays où l’administration reste hyper-centralisée à Port-au-Prince. Les citoyens du Nord pourront désormais accéder aux services de légalisation de documents officiels sans devoir entreprendre le long et coûteux voyage jusqu’à la capitale. C’est une mesure concrète qui simplifie la vie de milliers d’Haïtiens.
Une vision à long terme
Le ministre a également annoncé la convocation prochaine d’une Conférence nationale des ambassadeurs, sur instruction du président du CPT. Cette réunion aura pour objectif de définir collectivement les grandes orientations de la politique étrangère d’Haïti pour la décennie à venir. C’est une démarche qui met l’accent sur la cohérence et la coordination — une approche qui contraste avec les politiques étrangères du passé, souvent fragmentées et contradictoires.
Où cela mène-t-il ?
La question qui se pose à tout citoyen haïtien attentif est simple : ces beaux plans diplomatiques se traduiront-ils en résultats concrets ? Plus de sécurité ? Meilleures relations commerciales ? Meilleure protection pour les Haïtiens à l’étranger ? Créations d’emplois grâce à la valorisation des produits haïtiens ?
Les promesses sont ambitieuses, les stratégies semblent bien pensées. Maintenant, il faudra que les actes suivent les paroles. Pour les Haïtiens en Haïti comme dans la diaspora, c’est cette traduction de la diplomatie en progrès tangibles qui fera vraiment la différence.