Nouveau coup dur pour les Haïtiens rêvant de l’Amérique : Donald Trump a signé un décret interdisant l’entrée aux États-Unis aux ressortissants de douze pays, incluant Haïti. Amnesty International dénonce une mesure « discriminatoire, raciste et d’une cruauté inouïe » qui cible principalement des pays à majorité noire ou musulmane. Un mur invisible mais bien réel qui se dresse devant des milliers de nos compatriotes.
« Bèl deyò pa lakay » – le beau dehors n’est pas la maison. Ce proverbe haïtien prend aujourd’hui une amertume particulière pour des milliers de nos compatriotes qui voient leurs rêves américains s’écrouler d’un trait de plume présidentiel.
Une liste noire qui fait mal
Le nouveau décret de Trump frappe comme un couperet : Afghanistan, Tchad, République démocratique du Congo, Guinée équatoriale, Érythrée, Haïti, Iran, Libye, Myanmar, Somalie, Soudan et Yémen. Douze pays dont les ressortissants sont désormais persona non grata sur le sol américain. Une liste qui a un point commun troublant : la couleur de peau et la religion de leurs habitants.
Pour nous Haïtiens, habitués aux brimades et aux humiliations administratives, cette interdiction n’est pas totalement surprenante. Mais elle n’en reste pas moins douloureuse. Combien de familles haïtiennes comptent sur l’espoir américain pour échapper à la misère et à l’insécurité qui ravagent notre pays ?
Amnesty International sort les griffes
Agnès Callamard, la secrétaire générale d’Amnesty International, n’y va pas par quatre chemins : cette mesure est « une attaque frontale contre les droits humains ». L’organisation internationale pointe du doigt ce qu’elle considère comme une discrimination raciale pure et simple.
« Cette interdiction de voyage est discriminatoire, raciste et d’une cruauté inouïe », martèle Callamard. Des mots forts qui résonnent particulièrement pour nous Haïtiens, habitués depuis des siècles au racisme systémique et aux préjugés.
Une politique de la peur assumée
Ce qui choque Amnesty International, c’est l’hypocrisie de cette mesure présentée sous le prétexte de la sécurité nationale. « Il ne fait que répéter les mesures xénophobes et racistes déjà mises en place lors du premier mandat de Trump », dénonce Callamard.
Pour l’organisation, c’est une stratégie politique cynique fondée sur la peur et la désinformation. Trump joue sur les préjugés pour mobiliser sa base électorale, quitte à sacrifier des milliers de vies humaines sur l’autel de ses ambitions politiques.
Les conséquences dramatiques pour les Haïtiens
Cette interdiction touche particulièrement les Haïtiens qui fuient la violence des gangs, la pauvreté extrême et l’effondrement de l’État. Beaucoup comptaient sur les États-Unis comme dernière planche de salut. Cette porte qui se ferme, c’est souvent un arrêt de mort pour leurs espoirs.
Amnesty rappelle que Washington viole ainsi ses engagements internationaux en matière de protection des demandeurs d’asile. Une hypocrisie qui fait mal quand on sait que les États-Unis se présentent souvent comme les champions des droits humains dans le monde.
Des réactions contrastées
Face à cette mesure, les réactions des pays concernés varient. Le Congo et Haïti privilégient le dialogue – une approche diplomatique qui peut sembler faible face à l’affront. Le Tchad, lui, frappe fort en suspendant l’octroi de visas aux Américains.
« Le Tchad n’a ni des avions, ni des milliards de dollars à donner, mais le Tchad a sa dignité et sa fierté », clame le président tchadien Mahamat Idriss Déby sur Facebook. Une fierté qui fait écho à celle de nombreux Haïtiens qui, malgré la pauvreté, refusent l’humiliation.
L’isolement d’Haïti s’aggrave
Cette interdiction s’ajoute à un isolement croissant d’Haïti sur la scène internationale. Déjà classé parmi les pays les plus pauvres du monde, confronté à une crise sécuritaire majeure, Haïti voit maintenant ses citoyens bannis d’un pays qui fut longtemps perçu comme la terre promise.
Cette mesure frappe particulièrement la diaspora haïtienne, nombreuse aux États-Unis, qui ne pourra plus accueillir facilement ses proches restés au pays. Un déchirement supplémentaire pour des familles déjà éclatées par l’exil.
Cette interdiction de Trump nous rappelle une réalité amère : dans ce monde, avoir un passeport haïtien, c’est souvent porter un fardeau. Mais elle nous rappelle aussi que notre dignité ne se négocie pas. Comme l’a dit le président tchadien, nous n’avons peut-être pas des milliards, mais nous avons notre fierté. Et cette fierté, aucun décret présidentiel ne pourra nous l’enlever. « Nou se moun tou » – nous sommes des êtres humains aussi, et cela, personne ne peut le nier.