Face à l’escalade de violence qui paralyse le pays, le Premier ministre mise sur la coopération internationale pour renforcer la Police nationale. Une stratégie qui suscite espoir et interrogations dans un contexte où chaque quartier de Port-au-Prince ressemble à un champ de bataille.
Le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé ne mâche pas ses mots : « La lutte contre l’insécurité est notre priorité absolue. » Jeudi 26 juin, à l’hôtel Montana, il a réuni autour de la même table les représentants de huit pays et organismes internationaux pour donner un nouveau souffle au Programme conjoint d’appui à la Police nationale d’Haïti (PNH).
Cette deuxième session du Comité de pilotage arrive à un moment critique. Pendant que les familles haïtiennes de Port-au-Prince, de Croix-des-Bouquets ou de Cité Soleil vivent terrées chez elles, craignant les balles perdues et les kidnappings, le gouvernement de transition tente de mobiliser l’aide internationale pour redonner espoir au pays.
Un appui international face à l’urgence
États-Unis, Canada, Union européenne, France, Allemagne, Japon, Brésil, Mexique : la liste des partenaires présents témoigne de l’ampleur de la mobilisation internationale. Ces pays, conscients que l’instabilité haïtienne peut avoir des répercussions bien au-delà des frontières nationales, ont réaffirmé leur engagement aux côtés du PNUD et des Nations Unies.
« Nous devons doter la PNH des moyens humains, matériels et institutionnels indispensables à sa mission républicaine », a martelé le Chef du gouvernement. Une déclaration qui résonne particulièrement chez les Haïtiens de la diaspora, qui suivent avec angoisse la détérioration de la situation dans leur pays natal, où certains quartiers sont désormais totalement contrôlés par les gangs armés.
Trois piliers pour sortir de la crise
Le plan gouvernemental s’articule autour d’une feuille de route ambitieuse :
Rétablir la sécurité sur tout le territoire – un défi colossal quand on sait que la PNH peine à sécuriser ne serait-ce que les axes routiers principaux de la capitale.
Organiser le référendum constitutionnel – une étape cruciale pour donner de nouvelles bases institutionnelles au pays, alors que la Constitution de 1987 montre ses limites.
Tenir des élections libres et transparentes – l’objectif final pour redonner une légitimité démocratique au pouvoir, après des années de gouvernements de facto.
Les discussions ont permis de faire le point sur les actions concrètes : modernisation des commissariats, renforcement des capacités opérationnelles de la police, livraison d’équipements tactiques et formations spécialisées. Des mesures qui, espère-t-on, permettront aux forces de l’ordre de reprendre le contrôle des zones abandonnées aux criminels.
Des défis qui restent immenses
Malgré cet élan de solidarité internationale, la Représentante spéciale de l’ONU, María Isabel Salvador, n’a pas caché les difficultés : « La situation sécuritaire reste critique, notamment dans les zones urbaines sensibles. » Une réalité que connaissent bien les familles haïtiennes qui ont fui vers les États-Unis, le Canada ou la République dominicaine, laissant derrière elles maisons et souvenirs.
L’appel à « un financement pérenne » lancé par la diplomate onusienne souligne une vérité dérangeante : sans moyens durables, les efforts risquent de rester cosmétiques face à l’ampleur du défi sécuritaire.
L’espoir malgré tout
« Nous ne ménagerons aucun effort pour rendre la sécurité effective et durable », a conclu Fils-Aimé avec une détermination qui tranche avec le pessimisme ambiant. Pour les millions d’Haïtiens qui rêvent encore de voir leur pays retrouver la paix, ces mots portent un espoir fragile mais réel.
La question demeure : cette mobilisation internationale suffira-t-elle à inverser la tendance ? Ou faudra-t-il des mesures plus radicales pour que les enfants puissent à nouveau jouer dans les rues de Pétion-Ville, que les marchandes retrouvent leurs étals au marché de la Croix-des-Bossales, et que la diaspora puisse enfin envisager de rentrer au pays ? L’avenir d’Haïti se joue peut-être dans ces salles de réunion, mais c’est sur le terrain que la vraie bataille se gagnera ou se perdra.