L’Organisation des Nations Unies tire la sonnette d’alarme face à l’explosion de violence qui ravage Haïti depuis le début de l’année. Les chiffres révélés vendredi dernier dressent un tableau dramatique d’un pays en proie à une guerre des gangs qui n’épargne ni femmes, ni enfants, ni personnes âgées.
La réalité haïtienne dépasse aujourd’hui la fiction la plus sombre. Entre janvier et mai 2025, pas moins de 2 680 personnes ont perdu la vie dans des circonstances violentes, selon les données publiées par le Haut-Commissaire aux droits de l’homme des Nations Unies, Volker Türk. Parmi ces victimes, 54 enfants ont payé de leur vie cette spirale de violence qui consume le pays.
Des chiffres qui glacent le sang
Au-delà des morts, plus de 950 personnes ont été blessées et 316 autres kidnappées contre rançon. Ces statistiques, aussi froides soient-elles, cachent des drames humains qui touchent chaque famille haïtienne, qu’elle vive à Port-au-Prince, dans les mornes de l’Artibonite ou même à Brooklyn, Miami ou Montréal, où l’inquiétude pour les proches restés au pays ronge le quotidien de la diaspora.
« Aussi effrayants que soient ces chiffres, ils ne peuvent refléter pleinement la vie quotidienne des Haïtiens », a déclaré M. Türk, reconnaissant que la réalité dépasse même ces statistiques alarmantes.
Plus d’1,3 million de personnes ont été contraintes de fuir leurs foyers, transformant des quartiers entiers en villes fantômes. Des familles qui vivaient paisiblement à Delmas, Pétion-Ville ou dans les provinces se retrouvent aujourd’hui entassées dans des camps de fortune, survivant avec le strict minimum.
La violence s’étend comme une traînée de poudre
Ce qui inquiète particulièrement les observateurs internationaux, c’est que la violence ne se limite plus à la zone métropolitaine de Port-au-Prince. Mirebalais, cette ville paisible du Plateau Central connue pour son hôpital universitaire, a été le théâtre d’attaques de gangs qui ont pris d’assaut les postes de police et libéré plus de 515 prisonniers.
Dans le Bas-Artibonite, région agricole vitale pour l’alimentation du pays, les affrontements entre groupes d’autodéfense et criminels armés s’intensifient. Le 20 mai dernier, 25 personnes ont été massacrées par des assaillants qui les accusaient de complicité avec les gangs. Certaines victimes ont été tuées à la machette dans une église – lieu de culte qui devrait être sanctuaire de paix – tandis que d’autres ont été brûlées vives sur la voie publique.
À Pernier, un quartier populaire de la capitale, une famille entière a été anéantie par trois gangs alliés. Six personnes ont péri, dont quatre fillettes âgées de 2 à 14 ans, victimes innocentes d’une vengeance aveugle contre les récentes opérations policières.
Quand les forces de l’ordre soulèvent aussi des questions
Dans ce chaos généralisé, même l’action des forces de sécurité pose problème. Selon l’ONU, 1 448 personnes sont mortes lors d’opérations policières depuis janvier, et au moins 65 auraient été exécutées sommairement par les autorités. Ces chiffres soulèvent des questions sur le respect des droits humains dans la lutte contre les gangs.
« L’usage de la force létale par la police doit respecter les normes internationales », a insisté Volker Türk, appelant à plus de transparence et de responsabilité dans les opérations sécuritaires.
Un appel urgent à la communauté internationale
Face à cette situation catastrophique, le Haut-Commissaire demande aux pays d’accueil de suspendre immédiatement les rapatriements forcés vers Haïti. Un message particulièrement important pour les Haïtiens vivant aux États-Unis, au Canada, en République dominicaine ou ailleurs, qui craignent d’être renvoyés dans cette fournaise.
L’ONU exhorte également la communauté internationale à renforcer son soutien à la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MSS), actuellement dirigée par le Kenya mais cruellement sous-équipée et sous-financée. L’embargo sur les armes imposé par le Conseil de sécurité doit aussi être strictement appliqué pour empêcher que davantage d’armes n’alimentent ce brasier.
L’heure est à l’action
Alors qu’Haïti s’enfonce chaque jour davantage dans l’abîme, ces appels de l’ONU résonnent comme un dernier cri d’alarme. Pour les millions d’Haïtiens, qu’ils vivent dans les bidonvilles de Cité Soleil ou dans les banlieues de Boston, la question reste la même : combien de temps encore la communauté internationale va-t-elle assister, impuissante, au naufrage d’une nation entière ? L’urgence n’est plus aux déclarations, mais à l’action concrète pour sauver ce qui peut encore l’être d’un pays au bord du gouffre.