Cantines scolaires, hôpitaux rénovés, infrastructures de base : la Banque interaméricaine de développement vient de signer le plus gros chèque de l’année pour Haïti. Mais la vraie révolution ? Ces millions vont prioritairement vers les provinces, loin de la capitale en crise, dans le cadre d’un ambitieux Plan de Relance 2025-2030.
Brasilia restera marqué d’une pierre blanche dans l’histoire récente de la diplomatie haïtienne. Ce vendredi 13 juin, la Banque interaméricaine de développement (BID) a annoncé un financement de 283 millions de dollars en dons pour Haïti, dans le cadre d’une stratégie régionale qui fait du pays une priorité absolue des Caraïbes.
Des millions qui vont directement dans les assiettes et les salles de classe
Contrairement aux financements habituels qui se perdent souvent dans les méandres bureaucratiques, ces 283 millions de dollars cibleront des besoins concrets et immédiats. Les cantines scolaires figurent en tête de liste des priorités – une bouffée d’oxygène pour les parents qui n’arrivent plus à nourrir leurs enfants dans un contexte où l’insécurité alimentaire touche près de la moitié de la population.
Cette initiative pourrait transformer la vie quotidienne de milliers d’enfants dans les écoles des Cayes, de Jacmel, du Cap-Haïtien ou de Gonaïves. Pour beaucoup de petits Haïtiens, le repas scolaire représente souvent le seul repas complet de la journée. Avec ce financement, l’espoir renaît de voir ces enfants retourner en classe, non seulement pour apprendre, mais aussi pour se nourrir.
La santé enfin au centre des priorités
La rénovation des hôpitaux constitue le deuxième volet majeur de ce financement. Dans un pays où l’Hôpital général de Port-au-Prince peine à fonctionner et où les centres de santé en province manquent cruellement d’équipements, ces investissements arrivent comme une providence.
Imaginez l’impact pour l’Hôpital Justinien du Cap-Haïtien, l’Hôpital Saint-Antoine des Cayes, ou les nombreux dispensaires des zones rurales qui pourront enfin offrir des soins dignes de ce nom. Pour les familles qui parcourent des kilomètres pour atteindre un centre de santé, cette modernisation pourrait littéralement sauver des vies.
Une stratégie révolutionnaire : sortir de Port-au-Prince
Ce qui rend ce financement vraiment exceptionnel, c’est sa philosophie. La BID a clairement annoncé que ces fonds s’inscrivent dans le « Plan de Relance 2025-2030 pour Haïti », un programme qui vise spécifiquement à « promouvoir les opportunités économiques dans les zones situées hors de Port-au-Prince ».
Cette approche marque une rupture totale avec les pratiques passées où tout se concentrait dans la capitale. Pour les habitants de Jérémie, des Gonaïves, de Fort-Liberté ou de Hinche, cette décentralisation représente enfin une chance de voir leur région se développer sans dépendre uniquement de Port-au-Prince.
Le secteur privé provincial pourrait particulièrement en bénéficier. Les petits entrepreneurs des provinces, souvent oubliés des grands programmes, auront accès à des financements via IDB Invest, la branche du secteur privé de la BID. Une opportunité en or pour les coopératives agricoles de l’Artibonite, les associations de pêcheurs du Sud, ou les petites entreprises du Nord.
Un plan orchestré par les grands de ce monde
Ce financement ne tombe pas du ciel. Il s’inscrit dans une coordination inédite entre les plus grandes institutions mondiales. La BID travaille main dans la main avec l’ONU, l’Union européenne et la Banque mondiale pour structurer ce Plan de Relance. Une synergie rare qui pourrait enfin donner à Haïti les moyens de ses ambitions.
Fritz Alphonse Jean, qui représentait Haïti au sommet de Brasilia aux côtés de la ministre Ketleen Florestal, rentre au pays ce dimanche avec dans ses valises diplomatiques l’une des plus belles victoires de la transition. Cette coordination internationale montre que la communauté internationale n’a pas renoncé à Haïti, malgré la crise des gangs qui paralyse la capitale.
Une vision caribéenne d’intégration
Ces 283 millions pour Haïti s’inscrivent dans une vision plus large d’intégration caribéenne. La BID vient de créer un fonds multi-donateurs pour le programme ONE Caribbean, axé sur la résilience climatique, la sécurité des citoyens et la sécurité alimentaire. Haïti ne sera plus le parent pauvre des Caraïbes, mais un partenaire à part entière du développement régional.
« La BID est pleinement engagée dans le développement des pays des Caraïbes », a déclaré Ilan Goldfajn, président de l’institution. Cette phrase résonne particulièrement fort pour un pays habitué à être traité comme un cas à part dans la région.
L’espoir renaît dans les provinces
Pour les millions d’Haïtiens qui vivent loin de Port-au-Prince, dans des communes souvent oubliées des grands programmes, cette annonce change la donne. Les enfants de Marchand Dessalines pourront manger à l’école, les malades de Miragoâne seront soignés dans des hôpitaux modernes, les entrepreneurs d’Aquin auront accès au crédit.
Bien sûr, 283 millions de dollars ne résoudront pas tous les problèmes d’Haïti. Mais pour la première fois depuis longtemps, un financement international mise sur les provinces plutôt que sur la capitale en crise. C’est peut-être là que se trouve la clé du renouveau haïtien : non pas dans les bureaux climatisés de Port-au-Prince, mais dans la force tranquille des provinces qui ont toujours fait la richesse de ce pays. Le pari est lancé, et il est de taille.