Port-au-Prince — Le visage placardé dans un avis de recherche officiel par l’Unité de Lutte contre la Corruption (ULCC), celui de Jean Ronald Joseph, ancien Directeur général du Fonds National de l’Éducation (FNE), symbolise à lui seul l’arrogance tranquille de ceux qui se croient intouchables dans la gestion publique haïtienne.
Accusé d’abus de fonction, de détournement de biens publics, d’abus de biens sociaux et d’entrave à la justice, l’homme qui se présentait autrefois comme un défenseur de l’éducation nationale apparaît aujourd’hui comme un fugitif recherché par la justice. Ironie amère pour un responsable censé garantir que les fonds de la taxe sur les appels internationaux et les transferts de la diaspora servent à bâtir des écoles, non à gonfler des comptes privés.
L’ULCC dit agir en vertu du décret du 8 septembre 2004, mais il n’a pas fallu lire ce décret pour savoir que le détournement du FNE est un scandale à ciel ouvert depuis des années. Sous la direction de M. Joseph, le Fonds s’est transformé en un coffre opaque, où la transparence n’était qu’un mot sur du papier.
Les enseignants manquent de salaire, les écoles publiques tombent en ruine, et le pays reste au bord de l’effondrement éducatif — pendant que les gestionnaires s’enrichissent sur le dos des enfants d’Haïti.
Ce n’est pas seulement une affaire judiciaire : c’est une gifle à toute une génération qui croyait que l’éducation pouvait être la sortie du tunnel.
Car à chaque fois qu’un responsable détourne l’argent destiné à une école, c’est une classe qui ferme, c’est un rêve qui s’éteint, c’est un pays qu’on condamne à l’ignorance.
Mais Jean Ronald Joseph n’est pas un cas isolé. Il est le produit pur d’un système pourri, où les directeurs se prennent pour des rois, où les institutions sont captives des clans politiques, et où la reddition de comptes est un concept étranger.
Aujourd’hui, il est recherché. Demain ? Peut-être blanchi par une commission d’enquête politisée, ou réhabilité dans un autre poste, comme tant d’autres avant lui. Parce qu’en Haïti, le scandale passe, la mémoire s’efface, et l’impunité reste la seule loi qui ne s’abroge jamais.
Ce que le pays attend maintenant, ce n’est pas un communiqué bien rédigé ni une photo virale. C’est un signal fort : que les corrompus fuient, mais ne s’en sortent plus.
Si Jean Ronald Joseph doit être jugé, qu’il le soit — non pour satisfaire l’opinion publique, mais pour rendre enfin justice à l’éducation nationale, ce bien sacré que ses dirigeants ont trop souvent profané.
