Intervenant sur les ondes de Radio Caraïbes FM, lors du journal Premye Okazyon du lundi 13 janvier 2025, Pierre Espérance, Directeur exécutif du Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH), a vivement critiqué la Commission Nationale de Désarmement, Démantèlement et Réinsertion (CNDDR), la qualifiant de « commission moribonde ». Selon le militant des droits humains, cette commission n’a produit aucun rapport officiel sur son travail, malgré les multiples déclarations publiques de son membre le plus médiatique, Jean Rebel Dorcenat.
Un rapport inexistant ?
Pierre Espérance a insisté sur l’absence de tout document attestant que la CNDDR aurait identifié des personnalités ou familles impliquées dans le trafic d’armes et de munitions en Haïti. Bien que Jean Rebel Dorcenat ait régulièrement affirmé dans les médias détenir de telles informations, il n’existe aucune preuve concrète de leur existence. Lorsqu’interrogé sur la publication de ce rapport, Dorcenat aurait répondu qu’il n’était pas obligé de le soumettre ni à la presse ni aux organisations de défense des droits humains.
Cette question reste toutefois sans réponse, car l’ancien ministre de la Justice, Me Lucmane Delille, invité également à l’édition du journal, n’a pas pu confirmer s’il avait reçu un rapport officiel de la CNDDR. Il a néanmoins révélé avoir rencontré Dorcenat, qui lui avait présenté une feuille blanche contenant une douzaine de noms. Ce document, s’il existe, soulève des interrogations : s’agit-il d’un rapport officiel ? Était-ce une initiative personnelle de Dorcenat ou un produit de la Commission ?
Une gestion chaotique
La confusion autour de la CNDDR s’aggrave lorsque l’on s’intéresse au rôle de Jean Rebel Dorcenat. Bien qu’il ne soit ni président ni porte-parole officiel de la Commission, Dorcenat agit fréquemment comme s’il en était le chef. Cette situation a atteint un point tel que des journalistes, comme Ronald Desormes, l’ont désigné par erreur comme président de la CNDDR.
En réalité, la CNDDR est dirigée par Edwin Florexil, et Dorcenat, selon un membre de la Commission, ne serait même pas membre du Bureau. Un ancien membre de la CNDDR a confié à Horizon 360 que les interventions publiques de Dorcenat ont toujours créé des tensions internes. La Commission dispose pourtant d’un porte-parole officiel, Jude Jean Pierre, actuellement Directeur général de l’Office de la Protection du Citoyen (OPC).
Concernant la fameuse liste de « dix familles » souvent évoquée par Dorcenat, des sources révèlent qu’elle proviendrait d’une réunion impliquant un membre du Bureau Intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH). Ce dernier aurait mentionné, à titre informatif, une liste des fournisseurs d’armes basée sur les données disponibles au BINUH. Il ne s’agissait donc pas d’un rapport de la CNDDR, mais d’une information que Dorcenat aurait utilisée pour ses propres fins.
Une Commission présidentielle en fin de vie ?
La CNDDR, comme toute commission présidentielle, est un organe consultatif ou opérationnel mis en place par un chef d’État pour traiter des questions spécifiques d’intérêt national. Son existence est directement liée au mandat de l’autorité qui l’a instituée, sauf si une nouvelle administration décide de prolonger officiellement son travail.
Dans le cas de la CNDDR, aucun acte officiel n’a reconduit son mandat après l’arrivée au pouvoir de nouvelles autorités. Selon les principes juridiques qui encadrent ce type d’organisme, la Commission devrait être automatiquement dissoute.
Pourquoi le silence ?
Alors que la dissolution automatique de la CNDDR semble s’imposer, la question reste : pourquoi aucun juriste n’évoque ce principe ? Pourquoi ce qui s’applique à d’autres commissions présidentielles ne s’appliquerait-il pas à la CNDDR ?
La situation met en lumière une gestion opaque et un dysfonctionnement profond de cette commission, dont l’utilité et la légitimité continuent de susciter des débats. La CNDDR, qualifiée de « moribonde » par Pierre Espérance, semble être l’illustration d’un organe qui, faute de résultats et de cadre légal clair, n’a plus de raison d’exister.