42 morts, dont des enfants. Une famille entière décimée. Des maisons incendiées. Le petit village de Labodrie, entre l’Arcahaie et Cabaret, a vécu l’enfer jeudi dernier. Un carnage orchestré par la coalition Viv Ansanm qui illustre tragiquement l’abandon de l’État face à la montée de la terreur criminelle.
Le nom de Labodrie restera à jamais gravé dans la mémoire collective haïtienne comme celui d’un village martyr. Ce jeudi 11 septembre 2025, cette paisible communauté de la première section de Boucassin a basculé dans l’horreur quand des hommes lourdement armés de la coalition Viv Ansanm ont transformé les rues en champ de bataille.
Une vengeance annoncée
L’attaque n’était pas le fruit du hasard. Selon les témoignages recueillis, elle constituait une vengeance directe après la mort de « Vlad », un chef de gang abattu le 7 septembre lors d’affrontements avec la police et des groupes d’autodéfense. Une logique implacable de la violence qui frappe aveuglément des innocents pour venger un criminel.
Baptiste Joseph Louis, coordonnateur du CASEC de la zone, témoigne d’une voix brisée : « Plus de 42 habitants, dont des enfants, ont été exécutés. Plusieurs personnes sont portées disparues. Une famille entière a presque été décimée. » Ces mots résonnent comme un glas dans une Haïti où la mort frappe désormais sans distinction d’âge ni de condition.
L’État haïtien aux abonnés absents
Ce qui révulse le plus dans cette tragédie, c’est l’inaction coupable des autorités. Les habitants de Labodrie affirment que les criminels avaient annoncé leur offensive « plus d’une semaine auparavant ». Une semaine ! Sept jours pendant lesquels les autorités auraient pu agir, déployer des forces, évacuer les populations vulnérables.
Rien n’a été fait. Résultat : 42 vies fauchées dans l’indifférence générale d’un État défaillant. Cette « indifférence cynique » dénoncée par les survivants pose une question fondamentale : à quoi sert un gouvernement qui ne protège pas ses citoyens les plus vulnérables ?
Un territoire livré aux prédateurs
Aujourd’hui encore, selon le CASEC, « les bandits sont toujours sur place ». Imaginez la terreur des survivants, contraints de cohabiter avec les bourreaux de leurs proches, dans l’attente hypothétique d’une intervention des forces de l’ordre. Cette situation illustre parfaitement la capitulation de l’État face aux gangs qui contrôlent désormais des pans entiers du territoire national.
L’appel « pressant » lancé aux autorités centrales pour sécuriser la zone et récupérer les corps abandonnés sonne comme un cri de détresse dans le désert. Combien de temps faudra-t-il encore avant qu’une réaction se dessine ?
Une tragédie qui interpelle la diaspora
Pour les familles haïtiennes établies à Miami, Montréal ou Paris, le massacre de Labodrie ravive l’angoisse permanente pour leurs proches restés au pays. Comment vivre sereinement à l’étranger quand on sait que nos villages, nos quartiers, nos familles peuvent être rayés de la carte du jour au lendemain ?
Cette tragédie pose aussi la question de la responsabilité collective. Jusqu’où la communauté internationale, y compris la diaspora haïtienne influente, peut-elle continuer à observer passivement cette descente aux enfers ?
Labodrie : symbole d’une Haïti à la dérive
Le village de Labodrie n’était qu’un point sur la carte, une communauté rurale comme tant d’autres. Aujourd’hui, il symbolise l’effondrement d’un État, l’abandon des plus vulnérables, l’impuissance face à la barbarie. Ses maisons incendiées, ses familles décimées, ses survivants traumatisés témoignent de la faillite d’un système qui a perdu le contrôle.
L’urgence d’une prise de conscience
Combien faudra-t-il encore de Labodrie pour que les consciences se réveillent ? Combien d’enfants devront mourir avant qu’une véritable stratégie de reconquête du territoire soit mise en œuvre ? Ces questions, douloureuses mais nécessaires, interpellent tous les acteurs : gouvernement, opposition, société civile, communauté internationale.
Le massacre de Labodrie n’est pas qu’un fait divers sanglant de plus. C’est le miroir d’une société en perdition, le symptôme d’un mal qui ronge Haïti de l’intérieur. Tant que les réponses resteront à la hauteur des communiqués de circonstance, d’autres Labodrie subiront le même sort.
Labodrie pleure ses 42 morts dans l’indifférence générale. Ce petit village entre l’Arcahaie et Cabaret vient de rentrer dans l’histoire par la porte la plus sombre. Son calvaire interpelle au-delà des frontières : comment une nation peut-elle survivre quand ses citoyens les plus vulnérables sont abandonnés aux prédateurs ? La réponse à cette question déterminera l’avenir même d’Haïti. Pour l’instant, seul le silence des tombes répond au cri de détresse de Labodrie.