Alors que Facebook, X et TikTok dictent leurs règles partout dans le monde, cinq pays d’Amérique latine s’unissent pour reprendre le contrôle. Réunis ce lundi à Santiago, les dirigeants du Brésil, du Chili, de la Colombie, de l’Uruguay et de l’Espagne montrent qu’il est possible de tenir tête aux plateformes numériques. Une approche qui pourrait inspirer Haïti, où les réseaux sociaux jouent un rôle croissant dans l’information et la politique.

Ce lundi 21 juillet, Santiago du Chili accueille un sommet pas comme les autres. Baptisé « Democracy Forever » (Démocratie pour toujours), cette rencontre réunit les présidents Gabriel Boric (Chili), Gustavo Petro (Colombie), Lula da Silva (Brésil), Yamandú Orsi (Uruguay) et le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez. Leur objectif ? Protéger la démocratie face aux nouvelles technologies et aux géants de la Silicon Valley.

Le Brésil frappe fort contre la désinformation

Le Brésil mène la charge avec une détermination qui fait trembler jusqu’à Washington. Le 26 juin dernier, la Cour suprême brésilienne a pris une décision historique : X, TikTok, Instagram et Facebook sont désormais tenus responsables de toute publication illégale sur leurs plateformes et doivent la retirer « immédiatement », sans attendre l’ordre d’un juge.

Cette fermeté trouve ses racines dans l’histoire récente du pays. Avant les élections présidentielles de 2022, les soutiens de l’ex-président d’extrême droite Jair Bolsonaro avaient inondé les réseaux sociaux de fausses informations pour influencer le vote. Après sa défaite, ces campagnes se sont poursuivies, culminant avec l’invasion de Brasilia le 8 janvier 2023 par des sympathisants de Bolsonaro – un événement qui rappelle douloureusement l’assaut du Capitole américain.

Face à l’inaction des plateformes, le Brésil n’a pas hésité à suspendre X pendant 40 jours en août 2024, forçant finalement Elon Musk à se plier aux règles brésiliennes et à payer 28 millions de reais d’amende (4,3 millions d’euros).

Une question de souveraineté nationale

« Toute cette discussion touche à une question de souveraineté nationale », explique Nicole Sanchotene, chercheuse à l’Université fédérale de Rio de Janeiro. Pour elle, ces entreprises « extrêmement riches » ont « un pouvoir politique et économique difficile à mesurer » et peuvent avoir des intérêts contraires à ceux des pays.

Cette préoccupation résonne particulièrement en Amérique latine, région marquée par des décennies d’ingérences étrangères. Aujourd’hui, c’est une nouvelle forme d’influence qui inquiète : celle des algorithmes et de l’intelligence artificielle sur les processus démocratiques.

L’intelligence artificielle dans le viseur

Au-delà des réseaux sociaux, ces pays s’attaquent aussi à l’intelligence artificielle. La Colombie a introduit en 2024 un projet de loi pour encadrer l’IA et « fixer des limites à son développement ». Le Chili, pionnier dans ce domaine, est devenu le premier pays au monde à inscrire les « droits neurologiques » dans sa Constitution, protégeant les citoyens contre les neurotechnologies qui pourraient lire ou manipuler leurs pensées.

« L’intelligence artificielle peut poser un risque systémique pour la sécurité et l’intégrité des processus démocratiques », avertit Nicole Sanchotene. Une préoccupation d’autant plus urgente que la technologie avance plus vite que la régulation.

Et Haïti dans tout ça ?

Pour un pays comme Haïti, où les réseaux sociaux sont devenus des sources d’information majeures et où la désinformation peut avoir des conséquences dramatiques sur la stabilité sociale, l’exemple latino-américain mérite réflexion. Que ce soit pour lutter contre les rumeurs qui alimentent l’insécurité ou pour protéger les processus électoraux futurs, la question de la régulation des plateformes numériques pourrait bien devenir cruciale.

Les dirigeants réunis à Santiago prouvent qu’il est possible de tenir tête aux géants de la tech. Comme le souligne l’experte brésilienne : « C’est le cas de montrer que les plateformes ne sont pas plus fortes que les États, on reste un État souverain avec une structure pour se défendre. »

Dans un monde où l’information circule sans frontières, la souveraineté numérique devient-elle le nouveau défi des démocraties ? L’Amérique latine semble avoir choisi son camp. Et Haïti ?

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