Dès l’aube ce lundi, les tirs d’armes automatiques ont réveillé en sursaut les habitants de Petite-Rivière de l’Artibonite. Le redoutable gang Gran Grif de Savien a lancé une offensive majeure contre la Coalition révolutionnaire qui résistait encore dans cette région stratégique. Un combat qui pourrait sceller le sort de tout le bas Artibonite.
À 5h06 précises ce lundi matin, l’enfer s’est abattu sur les paisibles localités de Bwa Lavil, Pon Benwa et Dekòd. Les habitants, réveillés par le crépitement des armes automatiques, ont compris que l’heure tant redoutée était arrivée : le gang Gran Grif de Savien passait à l’offensive contre la Coalition révolutionnaire pour sauver l’Artibonite.
Cette attaque marque une escalade dramatique dans la guerre qui déchire depuis des mois cette région agricole vitale pour Haïti. Pour les familles de l’Artibonite, qu’elles soient restées sur place ou qu’elles aient rejoint la diaspora, c’est un nouveau chapitre tragique qui s’ouvre dans l’histoire de leur terre natale.
L’appel au secours d’un leader paysan
Au cœur de cette tourmente, André Saint-Louis, figure respectée du monde paysan local, s’est mué en véritable sentinelle. Face à l’urgence, il a multiplié les appels au secours vers Port-au-Prince, interpellant directement le Conseil présidentiel de transition, le gouvernement d’Alix Didier Fils-Aimé et le commandement de la Police nationale.
« Le gang Gran grif a débarqué à 5 heures 6 minutes du matin en chango sur les Jean-Denisiens », a-t-il lancé dans un cri d’alarme qui résonne comme un dernier espoir. Cette précision dans l’heure témoigne de l’angoisse de populations qui savent que chaque minute compte dans ce type d’affrontement.
Une guerre pour le contrôle économique
Cette offensive n’est pas le fruit du hasard. Selon les responsables de la coalition, les positions qu’ils contrôlent représentent un enjeu stratégique majeur : elles permettent de couper les voies d’approvisionnement du gang Gran Grif, tant en vivres qu’en armement. Une stratégie de siège qui explique la violence de la riposte criminelle.
« Le fait que la coalition contrôle ces zones stratégiques pour empêcher toutes sortes d’approvisionnement du gang en aliments comme en armement, est, pour les hommes de Lucson Élan, une anomalie inacceptable », explique une responsable de la coalition. Cette guerre économique rappelle les stratégies utilisées durant les conflits de l’époque coloniale, quand le contrôle des routes commerciales déterminait le sort des territoires.
Le prix du sang et l’exode des familles
Les combats font déjà des victimes des deux côtés. Les hôpitaux de trois communes confirment avoir reçu des blessés par balle, tandis que les témoins rapportent plusieurs morts, dont « Kakabèf », l’un des « braves guerriers » de la coalition. Ces pertes humaines s’ajoutent aux destructions matérielles : dépôts incendiés, entreprises saccagées, maisons brûlées.
Pour les populations civiles, c’est un nouveau calvaire qui commence. Une nouvelle vague d’habitants se voient contraints de fuir leurs foyers, rejoignant les milliers de déplacés internes qui errent déjà dans le pays. « Ils partent sans savoir vraiment où aller », soulignent les défenseurs des droits humains, pointant l’abandon de l’État face à cette crise humanitaire.
Un détail macabre révélateur
Parmi les informations les plus troublantes de cette journée figure le pillage d’une entreprise funèbre locale. « Beaucoup de cercueils sont emportés par les gangsters de Savien », rapportent les médias locaux. Ce détail, aussi macabre soit-il, confirme l’ampleur des pertes humaines que les criminels tentent de dissimuler dans leur fief de Savien.
Cette pratique rappelle les heures les plus sombres de l’histoire haïtienne, quand les régimes autoritaires faisaient disparaître leurs victimes pour effacer les traces de leurs crimes.
L’enjeu de Saint-Marc et du bas Artibonite
Au-delà des localités directement touchées, c’est l’avenir de toute une région qui se joue dans ces combats. Jean-Denis, bastion de la Coalition révolutionnaire, constitue depuis des mois la dernière ligne de défense du bas Artibonite face aux ambitions criminelles.
« Si elle est vaincue par le gang Gran grif de Savien, la région toute entière, Saint-Marc particulièrement, sera livrée », avertissent les observateurs. Cette perspective glace le sang de tous ceux qui connaissent l’importance économique et symbolique de Saint-Marc, cette ville portuaire qui fut jadis l’un des poumons économiques du pays.
Alors que les tirs continuent de résonner dans l’Artibonite, une question hante tous les Haïtiens : jusqu’où ira cette descente aux enfers ? Cette coalition paysanne qui résiste encore représente-t-elle le dernier rempart avant la chute totale de la région ? Pour les familles de l’Artibonite dispersées aux quatre coins du monde, l’angoisse est immense : demain, y aura-t-il encore une terre à laquelle se rattacher ?