L’expansion des gangs « 400 Mawozo » et « Taliban » vers Lascahobas a semé la panique mercredi matin. Un policier tué, deux agents de la BSAP enlevés, des maisons incendiées : la violence armée continue de gangrener le département du Centre, forçant l’annulation de la dernière journée des examens officiels.

Une attaque coordonnée aux portes de Lascahobas

Tôt ce matin, les gangs « 400 Mawozo » et « Taliban », membres de la coalition Viv Ansanm, ont lancé une offensive sur plusieurs localités de Mirebalais situées à proximité de Lascahobas. L’attaque a visé notamment les localités de Desvarrieux et Savane Lacoupe, stratégiquement positionnées sur les axes routiers menant vers la commune frontalière.

Le bilan est lourd : un policier a été abattu lors d’échanges de tirs, tandis que deux agents de la Brigade de Surveillance des Aires Protégées (BSAP) ont été enlevés par les assaillants. Des images choquantes, devenues virales sur les réseaux sociaux, montrent le corps sans vie du policier profané par les gangs, ainsi qu’un agent de la BSAP maltraité en captivité.

L’étau se resserre autour de Lascahobas

Depuis fin mars, les gangs ont pris le contrôle des communes de Mirebalais et Saut d’Eau, et poursuivent désormais leur expansion territoriale. Ils occupent maintenant la localité de Serazin, située à seulement 2 kilomètres de Lascahobas, menaçant directement cette commune stratégique du département du Centre.

Cette progression inquiète particulièrement les familles haïtiennes qui ont des proches dans la région. Pour beaucoup, Lascahobas représentait encore un havre de paix relative, loin de la violence qui sévit dans la capitale et ses environs. Cette illusion de sécurité s’effrite désormais jour après jour.

Un territoire qui se vide de ses habitants

Face à cette menace imminente, la population de Lascahobas vit dans la terreur. De nombreux habitants fuient déjà leurs domiciles, craignant pour leur vie. La panique est telle que les autorités éducatives ont dû annuler la dernière journée des examens officiels de la 9ème année fondamentale – un symbole fort de l’effondrement de l’État dans ces régions.

Cette fuite massive rappelle douloureusement les déplacements forcés vécus par tant de familles haïtiennes. Plus de 147 000 personnes ont déjà été déplacées depuis mars dans les communes de Mirebalais et Saut-d’Eau, s’ajoutant aux 1,3 million de déplacés internes que compte désormais le pays.

Une stratégie d’expansion bien orchestrée

L’attaque de ce matin n’est pas un acte isolé. Elle s’inscrit dans une stratégie d’expansion territoriale méthodique de la coalition Viv Ansanm, qui étend progressivement son emprise au-delà de la région métropolitaine de Port-au-Prince vers les départements de l’intérieur du pays.

Les gangs ont également mis la main sur deux véhicules des forces de l’ordre, renforçant leur arsenal et leur mobilité. Cette tactique, désormais classique, leur permet de projeter leur force sur de plus grandes distances et d’intimider les populations locales.

Un département du Centre en perdition

L’attaque contre Lascahobas survient quelques semaines après celle perpétrée contre la commune de La Chapelle, qui avait forcé près de 9 000 personnes à fuir leurs maisons selon l’OCHA. Le département du Centre, jadis considéré comme l’un des plus paisibles du pays, sombre peu à peu dans la violence.

Pour les Haïtiens de la diaspora originaires de cette région, ces nouvelles sont particulièrement douloureuses. Beaucoup gardent des attaches familiales fortes dans le Centre et voient avec angoisse leurs villages d’origine basculer dans l’insécurité.

Des forces de l’ordre dépassées

Malgré l’annonce du renforcement des forces de l’ordre dans la région, on ignore encore si elles parviendront à repousser les gangs et à empêcher la chute de Lascahobas. La disparité des forces en présence laisse peu d’espoir : les gangs disposent d’un armement lourd et d’une mobilité que les forces gouvernementales peinent à égaler.

Cette situation met en lumière les limites criantes de la stratégie sécuritaire actuelle, incapable d’enrayer l’expansion territoriale des groupes armés au-delà de Port-au-Prince.

Un avenir incertain pour la région frontalière

La menace qui pèse sur Lascahobas revêt une dimension stratégique particulière. Cette commune frontalière avec la République dominicaine constitue un carrefour économique et migratoire important. Sa chute aux mains des gangs pourrait avoir des répercussions considérables sur les flux commerciaux et les mouvements de population dans la région.

Pour les familles haïtiennes qui comptent sur cette route pour maintenir leurs liens avec la diaspora ou pour leurs activités économiques, l’enjeu est existentiel. La fermeture de cet axe viendrait s’ajouter à l’isolement croissant de nombreuses régions du pays.

L’attaque de ce matin près de Lascahobas marque une nouvelle escalade dans la conquête territoriale des gangs haïtiens. Au-delà du drame humain immédiat, elle témoigne de l’effondrement progressif de l’autorité de l’État dans l’ensemble du territoire national.

Si rien n’est fait rapidement pour inverser cette tendance, c’est tout le département du Centre qui risque de basculer sous le contrôle des groupes armés, privant des centaines de milliers d’Haïtiens de leurs derniers espaces de vie paisible.

Partager.

Les commentaires sont fermés.

Exit mobile version