Alors que le diplomate américain Henry T. Wooster vient d’exiger publiquement un calendrier électoral précis, le président du Conseil présidentiel de transition, Laurent Saint-Cyr, entame ce dimanche une tournée diplomatique aux États-Unis et au Japon. Une mission qui intervient dans un climat de pressions internationales croissantes.
Port-au-Prince, 5 octobre 2025 – La scène s’est déroulée dimanche matin à l’aéroport international Toussaint Louverture. Laurent Saint-Cyr, président du Conseil présidentiel de transition (CPT), s’apprêtait à quitter Haïti pour une tournée diplomatique stratégique. Destination : les États-Unis d’abord, puis le Japon. Une cérémonie officielle a marqué ce départ, réunissant le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé, le conseiller présidentiel Lesly Voltaire, ainsi que les chefs de la Police nationale (PNH) et des Forces Armées d’Haïti (FAd’H).
Mais ce voyage n’est pas anodin. Il survient moins de 24 heures après une sortie publique musclée du Chargé d’affaires américain en Haïti, Henry T. Wooster, qui a clairement mis la pression sur les autorités haïtiennes.
Washington perd patience : « Les postes politiques ne sont pas à vie »
De retour d’une visite aux États-Unis samedi 4 octobre, le diplomate américain n’a pas mâché ses mots. « Je veux être clair, le moment est venu pour le CPT et les autres membres du gouvernement haïtien de remplir leur rôle afin de présenter un plan précis et assorti d’un calendrier pour les élections et la transition politique », a-t-il déclaré.
Il a poursuivi avec une phrase qui résonne comme un avertissement : « Les postes politiques ne sont pas à vie. Tout le monde doit soutenir la sécurité en Haïti et permettre une transition politique. »
Pour beaucoup d’observateurs, tant en Haïti que dans la diaspora, ce message équivaut à un « carton jaune foncé » adressé à un CPT jugé sans vision claire. Les États-Unis, principal partenaire d’Haïti et soutien financier majeur, semblent exiger des résultats concrets et rapides.
Cette déclaration intervient dans un contexte où la population haïtienne, déjà éprouvée par l’insécurité et l’instabilité politique, attend désespérément un retour à la normalité démocratique. Que ce soit dans les quartiers de Port-au-Prince, dans les villes de province ou au sein de la diaspora haïtienne à Miami, Montréal ou Paris, la frustration monte face à une transition qui semble s’éterniser.
Une tournée diplomatique sous haute surveillance
C’est donc dans ce climat tendu que Laurent Saint-Cyr, quatrième président du CPT depuis sa création, s’est envolé vers l’étranger. La présence remarquée des hauts responsables des forces de sécurité lors de la cérémonie de départ n’est pas passée inaperçue.
« La présence du directeur général de la PNH et du Commandant en Chef des FAd’H à cette cérémonie traduit la solidarité institutionnelle et la coordination exemplaire entre les forces de sécurité et le gouvernement », a souligné la PNH dans un communiqué publié sur sa page Facebook.
Toutefois, au moment de mettre sous presse, ni la présidence du CPT ni le gouvernement n’avaient communiqué de détails précis sur l’agenda de cette tournée diplomatique. On ignore également la date prévue du retour de Laurent Saint-Cyr en Haïti.
Que peut-on attendre de ce voyage ?
Cette mission aux États-Unis et au Japon pourrait être déterminante pour l’avenir de la transition. Les deux pays sont des partenaires clés d’Haïti : Washington pour son soutien politique, sécuritaire et financier ; Tokyo pour son aide au développement et ses programmes humanitaires.
La question qui brûle toutes les lèvres : Laurent Saint-Cyr reviendra-t-il avec des engagements concrets ? Présentera-t-il enfin le fameux calendrier électoral réclamé par la communauté internationale et, surtout, par le peuple haïtien ?
Entre les injonctions américaines et les attentes d’une population à bout de patience, le CPT est au pied du mur. Cette tournée diplomatique pourrait être l’occasion de rassurer les partenaires internationaux et de redessiner une feuille de route crédible. Mais sans annonces fortes et sans actions concrètes à son retour, Laurent Saint-Cyr risque de revenir face à une pression encore plus forte – et à une confiance encore plus érodée. La balle est dans son camp. Et le chronomètre tourne.