La crise au Conseil présidentiel de transition (CPT) atteint un nouveau sommet avec l’affrontement ouvert entre Fritz Alphonse Jean et trois de ses collègues. Une situation qui rappelle cruellement les dysfonctionnements politiques qui ont longtemps paralysé Haïti.
Un coordonnateur accusé de dérives autoritaires
Trois jours après que Fritz Alphonse Jean ait dénoncé publiquement les dysfonctionnements du gouvernement lors d’une conférence de presse, la réponse de ses collègues ne s’est pas fait attendre. Louis Gérald Gilles, Smith Augustin et Emmanuel Vertilaire ont envoyé une lettre cinglante au coordonnateur du CPT, l’accusant d’avoir tenté d’organiser un Conseil des ministres sans respecter le quorum légal.
Selon les révélations du Nouvelliste, Fritz Jean aurait voulu tenir cette réunion cruciale sans la présence d’au moins cinq des sept conseillers présidentiels, comme l’exige pourtant le décret du 27 mai 2024. Plus grave encore : il aurait commencé les travaux sans même attendre le Premier ministre, qui tentait désespérément de réconcilier les parties.
Cette situation évoque les nombreuses crises institutionnelles qu’a connues Haïti, où les luttes de pouvoir ont souvent pris le pas sur l’intérêt général. De la crise de 2004 aux tensions récurrentes entre exécutif et législatif, le pays a déjà payé le prix fort de ces querelles politiciennes.
Des accusations croisées qui paralysent l’action
La correspondance envoyée par les trois conseillers ne mâche pas ses mots. Ils rappellent fermement à Fritz Jean ses obligations légales, citant les articles 11.1 et 15.1 du décret fondateur du CPT. Leur message est clair : aucune décision prise sans le respect du quorum ne sera considérée comme valide.
Mais l’ironie de la situation n’échappe à personne : ces trois conseillers qui donnent des leçons de légalité sont eux-mêmes impliqués dans le scandale de corruption des 100 millions de gourdes à la Banque de la République d’Haïti (BRH) et font l’objet de poursuites judiciaires.
Un conseiller présidentiel, s’exprimant sous couvert d’anonymat, n’a pas hésité à qualifier Fritz Jean « d’apprenti dictateur » et « d’anti-démocrate ». Des accusations lourdes qui résonnent particulièrement dans un pays marqué par l’histoire des régimes autoritaires.
Une paralysie institutionnelle qui coûte cher
Pendant que les membres du CPT se déchirent, les défis du pays s’accumulent. L’insécurité continue de gangréner le territoire, l’économie s’effondre et les besoins humanitaires explosent. Cette crise rappelle douloureusement les périodes de vacance du pouvoir qui ont rythmé l’histoire récente d’Haïti.
Pour les Haïtiens de la diaspora qui suivent avec inquiétude l’évolution de la situation, ces querelles intestines évoquent les raisons mêmes qui les ont poussés à quitter le pays. Beaucoup espéraient que cette transition marquerait enfin une rupture avec les pratiques du passé.
Le décret du 27 mai 2024 prévoit pourtant que le CPT doit se réunir au moins trois fois par semaine. Or, selon les informations du Nouvelliste, ces rencontres régulières n’ont pas eu lieu ces derniers mois, confirmant l’ampleur de la crise.
L’urgence d’un sursaut démocratique
Cette nouvelle crise au sommet de l’État pose une question fondamentale : comment peut-on espérer diriger un pays quand on n’arrive même pas à s’entendre sur les règles de base du fonctionnement institutionnel ?
Pour les millions d’Haïtiens qui vivent dans l’espoir d’un changement, qu’ils soient à Port-au-Prince, aux Gonaïves, à Miami ou à Montréal, cette situation est un rappel brutal que la route vers la stabilité reste semée d’embûches. Le CPT saura-t-il dépasser ces querelles pour se concentrer sur sa mission première : préparer le pays aux prochaines élections et restaurer un minimum de fonctionnement institutionnel ?