Après des mois de promesses non tenues, le président kenyan William Ruto brandit la menace d’un retrait de sa mission en Haïti. Avec seulement 11% du financement promis reçu, Nairobi met la pression sur la communauté internationale avant la réunion cruciale de lundi à l’ONU.
La patience du Kenya a des limites. Dans une lettre cinglante adressée aux plus hautes instances de l’ONU, le président William Ruto vient de lancer un ultimatum qui pourrait changer la donne en Haïti : son pays pourrait se retirer de la Mission multinationale de soutien à la sécurité (MSS) si la communauté internationale ne tient pas ses promesses.
Ce coup de semonce arrive à un moment critique, quelques jours avant la réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU convoquée pour ce lundi 30 juin. Pour les Haïtiens qui voient dans cette mission leur dernière bouée de sauvetage face à la terreur des gangs, cette menace kenyane sonne comme un couperet.
Des promesses en l’air
Les chiffres sont impitoyables et parlent d’eux-mêmes. Sur les 600 millions de dollars promis pour la première année de la mission, seulement 68 millions ont été versés – soit un maigre 11%. Quant aux effectifs, moins de 40% du personnel promis a été déployé sur le terrain haïtien.
« Nous sommes contraints de revoir notre engagement », écrit sans détour le président Ruto dans sa lettre au Conseil de sécurité. Des mots qui résonnent douloureusement pour les familles haïtiennes de Cité Soleil, de Martissant ou de Village de Dieu, qui espèrent encore voir leurs quartiers libérés de l’emprise des gangs armés.
Cette situation rappelle amèrement aux Haïtiens les promesses non tenues après le séisme de 2010, quand des milliards avaient été promis pour la reconstruction sans que les populations en voient vraiment la couleur.
Une mission en sursis
Au-delà des questions financières, le Kenya fait face à des défis logistiques majeurs. Les contrats clés pour les opérations de la mission arrivent à expiration, et sans directives claires du Conseil de sécurité, Nairobi ne peut plus garantir la continuité de ses opérations.
Cette situation met en lumière un paradoxe cruel : pendant que les diplomates débattent dans les salles climatisées de l’ONU, les gangs comme « Viv Ansanm » et « 400 Mawozo » continuent de terroriser la population haïtienne, contrôlant désormais près de 60% de Port-au-Prince.
Pour les membres de la diaspora haïtienne qui suivent quotidiennement l’actualité de leur pays natal, cette menace de retrait kenyan représente un nouveau coup dur dans une série de déceptions internationales.
La pression monte avant la réunion de lundi
La lettre de Ruto ne tombe pas par hasard. Elle arrive précisément avant la réunion du Conseil de sécurité obtenue de haute lutte par la République dominicaine, où quatre présidents (actuel et anciens) ont uni leurs voix pour alerter la communauté internationale.
Cette convergence de pressions – kenyane d’un côté, dominicaine de l’autre – pourrait créer l’électrochoc nécessaire pour débloquer la situation. Mais combien de temps encore les Haïtiens devront-ils attendre que les grandes puissances passent des paroles aux actes ?
L’urgence d’agir
Pendant que les chancelleries s’activent, la réalité sur le terrain devient chaque jour plus dramatique. Les gangs armés contrôlent de « vastes zones de Port-au-Prince » et la population reste « prise au piège entre violence et désordre », comme le souligne le communiqué kenyan.
Cette description clinique cache une réalité humaine bouleversante : des milliers de familles haïtiennes qui ne peuvent plus envoyer leurs enfants à l’école, qui vivent sans eau potable ni électricité, qui survivent dans la peur permanente des balles perdues et des enlèvements.
Pour ces familles, comme pour celles de la diaspora qui envoient régulièrement de l’argent au pays, la menace d’un retrait kenyan représente bien plus qu’un revers diplomatique : c’est l’effondrement d’un espoir.
L’heure de vérité
La réunion de lundi au Conseil de sécurité s’annonce décisive. Les Haïtiens, qu’ils vivent à Pétion-Ville ou à Miami, à Jacmel ou à Montréal, attendent de voir si la communauté internationale saura enfin transformer ses belles déclarations en actions concrètes.
Car derrière les enjeux géopolitiques et les négociations diplomatiques, il y a une vérité simple : un peuple qui mérite de vivre en paix sur sa propre terre. La question est de savoir si le monde est prêt à l’aider vraiment, ou s’il se contentera une fois de plus de promesses creuses.