Jeudi 17 juillet 2025, la France a officiellement remis au Sénégal ses dernières bases militaires, fermant ainsi un chapitre vieux de plus de six décennies. Cette décision du président Bassirou Diomaye Faye s’inscrit dans une vague continentale de remise en question de la présence militaire française en Afrique.
Après 65 ans de présence ininterrompue, l’armée française quitte définitivement le Sénégal. Une cérémonie officielle s’est tenue jeudi à Dakar pour marquer la remise du Camp Geille, la plus importante base française du pays, ainsi que de l’aérodrome militaire de l’aéroport de Dakar. Un moment historique qui résonne bien au-delà des frontières sénégalaises.
Une promesse électorale tenue
Cette décision n’est pas le fruit du hasard. Bassirou Diomaye Faye, élu président en 2024 sur un programme de « changement radical », avait fait de cette question l’une de ses priorités. Contrairement à son prédécesseur Macky Sall, qui entretenait des relations privilégiées avec Paris, le nouveau président a fixé un ultimatum clair : toutes les armées étrangères devaient quitter le territoire sénégalais avant la fin 2025.
« Le Sénégal est un pays indépendant, c’est un pays souverain et la souveraineté n’accepte pas la présence de bases militaires dans un pays souverain », avait déclaré Faye fin 2024, tout en précisant que « la France reste un partenaire important pour le Sénégal ».
350 soldats français sur le départ
Quelque 350 soldats français, principalement chargés de mener des opérations conjointes avec l’armée sénégalaise, vont quitter le pays dans un processus de retrait étalé sur trois mois. La France avait commencé à céder ses bases au Sénégal dès le mois de mars, préparant cette transition historique.
Cette décision fait du Sénégal un cas particulier en Afrique de l’Ouest. Contrairement aux dirigeants militaires du Burkina Faso, du Mali et du Niger qui ont brutalement rompu avec Paris, Faye maintient le dialogue tout en affirmant sa souveraineté.
Un effet domino continental
Le retrait sénégalais s’inscrit dans une tendance lourde qui secoue l’influence française en Afrique. En février 2025, la France avait déjà rendu sa dernière base en Côte d’Ivoire. Le mois précédent, elle avait cédé la base de Kossei au Tchad, son dernier pied-à-terre dans la région troublée du Sahel.
Les coups d’État survenus entre 2020 et 2023 au Burkina Faso, au Niger et au Mali ont porté au pouvoir des hommes forts qui ont tous coupé les ponts avec Paris, préférant se tourner vers la Russie pour lutter contre l’insurrection jihadiste qui frappe la région depuis une décennie.
Djibouti, dernier bastion
Avec ce retrait du Sénégal, la France ne conserve plus qu’une seule base permanente en Afrique : celle de Djibouti, dans la Corne de l’Afrique. Cette base, qui abrite environ 1 500 militaires, est appelée à devenir le quartier général militaire français pour tout le continent africain.
Un symbole fort de la réduction drastique de l’empreinte militaire française en Afrique, continent où Paris disposait encore récemment de plusieurs milliers de soldats répartis dans de nombreux pays.
Entre mémoire et réconciliation
Au-delà des questions militaires, le président Faye a également relancé le débat sur le passé colonial. Il a notamment demandé à Paris de présenter des excuses pour les atrocités coloniales, particulièrement pour le massacre du 1er décembre 1944 de dizaines de tirailleurs africains qui avaient pourtant combattu pour la France durant la Seconde Guerre mondiale.
Cette demande mémorielle s’inscrit dans une nouvelle approche des relations franco-africaines, où les anciens « partenaires privilégiés » réclament une relation d’égal à égal plutôt qu’une tutelle héritée de l’époque coloniale.
Le départ des derniers soldats français du Sénégal marque une étape majeure dans la redéfinition des relations entre la France et ses anciennes colonies. Pour la diaspora sénégalaise comme pour les autres communautés africaines dans le monde, ce moment symbolise l’émergence d’une Afrique plus autonome, capable de choisir ses partenaires sans subir le poids de l’histoire. Reste à voir si cette nouvelle donne permettra enfin aux pays africains de tracer leur propre voie vers le développement.