Washington resserre l’étau autour des réseaux qui alimentent la violence en Haïti. Entre condamnations exemplaires et récompenses de 5 millions de dollars, l’administration américaine envoie un message clair : « L’ère de l’impunité est terminée ».
La justice américaine ne plaisante plus avec ceux qui alimentent la spirale de violence en Haïti. Ces dernières semaines, plusieurs condamnations retentissantes viennent rappeler que les États-Unis sont déterminés à couper les robinets financiers et logistiques des gangs haïtiens, y compris quand ils passent par leur propre territoire.
Un ex-flic américain condamné pour avoir armé les gangs
Michael Adrian Nieto n’est plus policier, il est désormais détenu fédéral pour trois ans. Cet ancien agent des forces de l’ordre de 31 ans vient d’être condamné par le juge John Antoon II pour avoir orchestré un trafic d’armes vers Haïti, la République dominicaine et Porto Rico.
Le modus operandi de Nieto révèle une corruption profonde du système : non content d’acheter et de revendre 58 armes à feu entre juin 2022 et septembre 2024, il utilisait les bases de données policières pour fournir des informations confidentielles à son complice, Ernesto Vazquez. Ce dernier, figure centrale du réseau, a écopé de 11 ans de prison fédérale.
Lors de la perquisition de son domicile en octobre 2024, le FBI et l’ATF ont découvert 12 armes à feu. Confronté aux preuves, Nieto a avoué avoir sciemment violé la loi fédérale, sachant parfaitement que ses armes finiraient entre les mains des gangs haïtiens.
Richardson Bazile : Le financier de « Barbecue » dans les filets américains
Mais l’affaire la plus explosive concerne Richardson Bazile, ce Haïtien naturalisé américain arrêté au Texas en juillet dernier. Connu sous plusieurs alias – Fredo Pam, Fred Lion, Leo Danger – Bazile était devenu le bailleur de fonds privilégié de Jimmy « Barbecue » Chérizier et de son alliance criminelle Viv Ansanm.
L’enquête, menée depuis mi-2022, révèle un système sophistiqué de financement : Richardson transférait des fonds via des compagnies spécialisées, directement destinés à l’achat d’armes lourdes, de véhicules et au paiement des salaires des membres du gang. Les autorités américaines ont même intercepté des photos de reçus et des messages vocaux prouvant cette collaboration criminelle.
Le plus troublant ? Richardson ne cachait pas ses ambitions politiques. Selon l’acte d’accusation, il aurait déclaré à plusieurs reprises vouloir « renverser le gouvernement haïtien », transformant sa résidence américaine en véritable quartier général de déstabilisation.
5 millions de dollars : La tête de « Barbecue » mise à prix
Suite à ces arrestations, Washington a frappé un grand coup en offrant 5 millions de dollars pour toute information menant à l’arrestation de Jimmy Chérizier. Une somme qui place le chef de gang haïtien au même niveau que les plus grands criminels internationaux recherchés par les États-Unis.
Cette récompense s’inscrit dans le cadre du Programme de récompenses pour la criminalité transnationale organisée, confirmant que « Barbecue » est désormais considéré comme une menace de niveau international. Pour la diaspora haïtienne qui suit l’actualité depuis Miami, New York ou Boston, ce montant représente un signal fort : Washington prend au sérieux la déstabilisation d’Haïti.
La diaspora dans le collimateur
L’un des aspects les plus troublants de ces affaires révèle l’implication directe de certains membres de la diaspora haïtienne dans le financement des gangs. Richardson Bazile avait tissé un réseau s’étendant du Texas au Massachusetts, sollicitant activement des fonds auprès de compatriotes installés aux États-Unis.
Cette réalité interroge douloureusement les familles haïtiennes de l’étranger : comment des proches, installés en sécurité outre-Atlantique, peuvent-ils contribuer à alimenter la violence qui terrorise ceux restés au pays ? Les transferts d’argent, traditionnellement symboles de solidarité familiale, se transforment parfois en armes contre la population civile.
« Nous viendrons vous chercher »
Le message de Christopher Landau, secrétaire d’État adjoint américain, ne souffre d’aucune ambiguïté : « Si vous envoyez de l’argent et/ou des armes aux gangs haïtiens depuis les États-Unis, nous viendrons vous chercher. »
Cette déclaration, prononcée en mai dernier, prend aujourd’hui tout son sens avec ces condamnations successives. Les bureaux du FBI de Miami, Houston, Boston et Charlotte travaillent de concert avec plusieurs agences fédérales pour traquer les réseaux de financement des gangs.
John A. Eisenberg, procureur général adjoint à la Sécurité nationale, l’a martelé : « La Division de la sécurité nationale ne tolérera pas la collecte de fonds par des gangs criminels sur le sol américain. »
Ces condamnations marquent-elles un tournant dans la lutte contre les gangs haïtiens ? Si les États-Unis semblent déterminés à couper les vivres aux réseaux criminels, l’efficacité de cette stratégie dépendra aussi de la capacité des autorités haïtiennes à reprendre le contrôle du territoire national. Car tant que l’impunité règnera en Haïti même, de nouveaux Richardson Bazile et Michael Nieto continueront probablement d’alimenter cette machine de guerre depuis l’étranger.