Le jeudi 24 juillet, les hauteurs de Kenscoff ont résonné du bruit d’explosions et du vrombissement d’hélicoptères. Pour la première fois, les forces de sécurité haïtiennes ont utilisé des drones kamikazes et des moyens aériens dans leur lutte contre les gangs. Une escalade technologique qui marque un tournant dans la stratégie anti-gang, mais soulève aussi des questions sur l’efficacité de ces nouvelles armes.
L’information, confirmée par plusieurs sources au Nouvelliste, témoigne d’un changement de doctrine dans l’approche sécuritaire. À Bois d’Avril, commune de Kenscoff, les résidents ont assisté à une scène inédite : un hélicoptère se posant avec du personnel à bord, tandis que des explosions retentissaient dans la zone.
Une montée en puissance technologique
« J’ai aussi entendu des explosions, probablement de drones kamikazes », confie un témoin local. Cette utilisation d’armement sophistiqué marque une rupture avec les méthodes traditionnelles de la Police Nationale d’Haïti (PNH). Les drones explosifs, jusqu’alors réservés aux conflits internationaux, font leur apparition dans le paysage sécuritaire haïtien.
Pour les Haïtiens de la diaspora qui suivent l’évolution de la situation, cette escalade rappelle les transformations militaires observées dans d’autres théâtres de conflit. L’introduction de ces technologies soulève des interrogations sur la formation des forces de sécurité et l’origine de ces équipements.
Kenscoff, nouveau front de la guerre anti-gang
Le choix de Kenscoff comme théâtre d’opération n’est pas anodin. Cette commune périphérique de Port-au-Prince, traditionnellement plus paisible que la capitale, subit désormais la pression des gangs qui étendent leur influence territoriale. L’utilisation de moyens aériens dans cette zone montagneuse illustre les défis logistiques auxquels font face les forces de l’ordre.
« Les moyens disponibles et d’autres seront utilisés pour rétablir la sécurité », indique une source gouvernementale, suggérant que cette opération pourrait n’être qu’un prélude à des actions plus larges. Cette déclaration laisse entrevoir une stratégie de montée en puissance progressive des moyens déployés.
L’ombre du secret opérationnel
Le mutisme relatif des autorités sur cette opération interroge. Quand le porte-parole de la PNH avoue ne pas avoir « encore obtenu d’informations sur cette opération », cela révèle soit un cloisonnement des informations, soit l’implication d’autres forces que la police nationale.
Cette opacité rappelle aux observateurs les défis de coordination entre les différentes forces de sécurité présentes en Haïti, incluant la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS). Pour les familles haïtiennes, tant au pays qu’à l’étranger, cette absence de communication claire alimente les inquiétudes sur la nature exacte des opérations menées.
Questions sur l’efficacité et les risques
Si l’intention de moderniser l’arsenal sécuritaire peut sembler louable, l’efficacité de ces nouveaux moyens reste à démontrer. Les drones explosifs, bien qu’impressionnants, nécessitent une expertise technique et une intelligence précise pour être utilisés de manière optimale.
Par ailleurs, l’introduction d’armements sophistiqués dans un contexte urbain dense soulève des questions sur les risques pour les populations civiles. Les résidents de Kenscoff, comme ceux des autres zones touchées par la violence, aspirent avant tout à retrouver la sécurité sans devenir victimes collatérales des opérations.
Cette opération à Kenscoff illustre la volonté des autorités haïtiennes de reprendre l’initiative face aux gangs, mais elle soulève autant d’espoirs que d’interrogations. L’utilisation de drones explosifs et d’hélicoptères annonce-t-elle enfin un tournant décisif dans la lutte anti-gang, ou n’est-ce qu’un nouveau chapitre dans une guerre d’usure qui n’en finit pas ? Seuls les résultats sur le terrain apporteront une réponse à cette question cruciale pour l’avenir sécuritaire d’Haïti.