Face aux prochaines échéances électorales, le Ministère à la Condition féminine mobilise la presse pour garantir une couverture équitable des candidatures féminines. Une stratégie audacieuse qui pourrait transformer le paysage politique haïtien.

Dans les salons feutrés de Port-au-Prince, une révolution silencieuse se prépare. Le 21 mai dernier, la ministre Pédrica Saint-Jean a réuni les patrons de presse du pays autour d’un objectif ambitieux : faire des médias haïtiens les véritables alliés de l’émancipation politique féminine. À l’heure où Haïti se prépare à des élections cruciales et à un référendum constitutionnel, cette initiative du Ministère à la Condition féminine et aux droits des femmes (MCFDF) résonne comme un appel au changement.

Quand les médias deviennent acteurs du changement

« Les médias façonnent les mentalités », a martelé la ministre Saint-Jean devant un parterre de directeurs de journaux, de radios et de télévisions. Son message est clair : fini le temps où les femmes politiques étaient reléguées aux faits divers ou aux rubriques sociales. Place à une couverture équitable qui met en lumière leurs compétences et leurs propositions.

Cette démarche rappelle l’engagement de figures emblématiques comme Mirlande Manigat, première femme candidate à la présidence haïtienne en 2010, ou encore l’activisme de Marie-Laurence Jocelyn Lassegue, qui ont ouvert la voie malgré les obstacles. Aujourd’hui, le MCFDF souhaite institutionnaliser ce combat pour que chaque femme politique bénéficie d’un traitement médiatique juste.

Un plan d’action en quatre axes

Le ministère ne s’est pas contenté de beaux discours. Il a présenté une feuille de route précise pour transformer les pratiques journalistiques :

Valoriser les candidatures féminines par une couverture médiatique équitable, en accordant autant d’espace aux programmes des femmes qu’à ceux des hommes.

Mettre en avant l’expertise féminine en invitant davantage de femmes spécialistes, militantes et leaders d’opinion dans les émissions politiques et les articles d’analyse.

Sensibiliser aux droits politiques des femmes à travers des campagnes d’information adaptées, notamment en créole pour toucher tous les segments de la population.

Former les journalistes à une approche sensible au genre, pour qu’ils dépassent les stéréotypes et traitent l’information politique avec une perspective égalitaire.

Un combat qui dépasse nos frontières

Cette initiative résonne particulièrement dans la diaspora haïtienne, où de nombreuses femmes occupent des postes de responsabilité dans leurs pays d’accueil. À Miami, Montréal ou Paris, les Haïtiennes suivent avec attention cette évolution, conscientes que l’émancipation politique des femmes en Haïti pourrait inspirer d’autres transformations sociales.

L’engagement du MCFDF s’inscrit dans une dynamique plus large. Déjà en décembre 2024, le ministère avait organisé un atelier avec les organisations féminines pour intégrer explicitement l’égalité des sexes dans la future Constitution. Une démarche qui rappelle les luttes menées par nos aînées comme Ertha Pascal-Trouillot, première femme présidente d’Haïti de 1990 à 1991.

L’heure de vérité approche

Alors que se dessinent les contours d’une nouvelle ère politique haïtienne, la question de la représentation féminine devient centrale. Les médias, traditionnels prescripteurs d’opinion, ont désormais entre leurs mains le pouvoir d’accélérer ou de freiner cette transformation.

Le pari du MCFDF est audacieux : transformer la presse en véritable levier d’émancipation féminine. Reste à voir si les professionnels des médias sauront saisir cette opportunité historique pour contribuer à bâtir une Haïti plus égalitaire. Car au-delà des beaux discours, c’est bien dans les colonnes des journaux, sur les ondes des radios et à l’écran des télévisions que se joue l’avenir politique des femmes haïtiennes.

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