Le président brésilien fait d’Haïti une priorité de sa lutte contre la pauvreté mondiale. Lors du sommet Caraïbes-Brésil à Brasilia, Fritz Alphonse Jean est rentré avec des promesses concrètes : des millions de dollars de la BID, un bureau au Cap-Haïtien, et surtout, l’espoir d’un programme de transferts directs qui pourrait changer la donne pour des milliers de familles haïtiennes.
Rarement un sommet régional aura autant fait parler de lui dans les foyers haïtiens. Ce vendredi 13 juin, à Brasilia, le président du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), Fritz Alphonse Jean, a vécu une journée diplomatique qui pourrait marquer un tournant dans les relations entre Haïti et ses partenaires régionaux.
Quand Lula fait d’Haïti sa priorité
Le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva n’a pas fait dans la demi-mesure. Dans une annonce qui a surpris même les observateurs les plus optimistes, il a révélé qu’Haïti, aux côtés de la République dominicaine, sera le premier bénéficiaire des projets de l’Alliance mondiale contre la faim et la pauvreté.
« Nous allons structurer un programme de transferts de revenus qui va certainement améliorer la vie des Haïtiens », a déclaré Lula sur ses réseaux sociaux. Cette promesse résonne particulièrement fort dans un pays où des millions de personnes survivent avec moins d’un dollar par jour et où la crise des gangs a aggravé la précarité des familles.
Pour comprendre l’importance de cette annonce, il suffit de regarder ce que le Brésil a accompli chez lui avec ses programmes sociaux. Bolsa Família, le programme de transferts conditionnels brésilien, a sorti des millions de personnes de l’extrême pauvreté. Si un programme similaire voyait le jour en Haïti, cela pourrait transformer la vie de centaines de milliers de familles dans les bidonvilles de Port-au-Prince comme dans les campagnes reculées des Nippes ou du Nord-Est.
La BID débloque les grands moyens
Les chiffres annoncés donnent le vertige. La Banque interaméricaine de développement (BID) s’apprête à approuver des dons de 300 millions de dollars orientés vers des programmes sociaux. Une somme qui pourrait financer des programmes de santé publique, mais aussi – et c’est particulièrement important – l’accompagnement des jeunes filles victimes de violences sexuelles, un fléau qui touche tragiquement de nombreuses familles haïtiennes.
Fritz Alphonse Jean, qui s’est entretenu directement avec le président de la BID, Ilan Goldfajn, a également annoncé une initiative qui pourrait révolutionner les communications en Haïti : le financement d’une étude de faisabilité pour un réseau national de fibre optique. Pour un pays où l’accès à internet reste un luxe pour beaucoup, cette modernisation des infrastructures numériques pourrait ouvrir de nouvelles opportunités, notamment pour les jeunes entrepreneurs de la diaspora qui cherchent à investir dans le développement technologique du pays.
Un bureau de la BID au Cap-Haïtien : signal fort pour les provinces
L’ouverture prochaine d’un bureau permanent de la BID au Cap-Haïtien constitue peut-être l’une des annonces les plus symboliques. Pour les habitants du Nord et du Nord-Est, habitués à voir tous les grands projets se concentrer dans la capitale, cette décision marque une volonté de décentralisation qui pourrait enfin permettre aux régions de bénéficier directement de l’aide internationale.
Cette initiative pourrait notamment profiter aux communautés agricoles de la plaine du Nord, aux pêcheurs de Fort-Liberté, ou encore aux artisans du Limbé, qui auront désormais un accès plus direct aux financements et programmes de développement.
Une diplomatie haïtienne qui reprend du poil de la bête
Ce succès diplomatique de Fritz Alphonse Jean s’inscrit dans une stratégie plus large de relance de la diplomatie haïtienne. Quelques jours plus tôt, son collègue du CPT Leslie Voltaire participait au sommet de l’Association des États de la Caraïbe à Carthagène, en Colombie. Ces déplacements témoignent d’une volonté de sortir Haïti de l’isolement et de reconstruire les ponts avec ses voisins régionaux.
Pour la diaspora haïtienne, notamment celle du Brésil où vivent plusieurs milliers de compatriotes, ces annonces constituent un signal d’espoir. Beaucoup avaient fui vers le Brésil ces dernières années, et voient maintenant leur pays d’accueil tendre la main à leur terre natale.
Des promesses à transformer en réalité
Bien sûr, entre les promesses diplomatiques et la réalité sur le terrain, il y a souvent un monde. Les Haïtiens ont appris à être prudents face aux annonces d’aide internationale. Mais cette fois, les engagements semblent concrets et les institutions impliquées ont fait leurs preuves.
Pour les familles qui luttent quotidiennement contre la faim dans les quartiers populaires de Port-au-Prince, pour les agriculteurs des mornes qui peinent à écouler leurs récoltes, pour les jeunes filles traumatisées par la violence, ces 300 millions de dollars et ces programmes de transferts pourraient représenter bien plus qu’une aide : une chance de recommencer à espérer. Reste maintenant à transformer ces belles paroles de Brasilia en actions concrètes dans les rues de Port-au-Prince, du Cap-Haïtien et de toutes les communes d’Haïti.