Sept nouveaux rapports d’enquête viennent d’être transmis à la justice par l’Unité de lutte contre la corruption. Au menu : détournements présumés, gestion opaque et millions de gourdes volatilisés. La bataille contre la « mauvaise gouvernance » s’intensifie.
Dans un pays où la corruption a longtemps été considérée comme un mal nécessaire, l’ULCC semble décidée à changer la donne. Ce vendredi 26 septembre, l’institution dirigée par Me Hans Jacques Ludwig Joseph a frappé un grand coup en remettant sept nouveaux dossiers explosifs à la justice haïtienne.
Une ministre dans la tourmente
Le dossier qui fait le plus de bruit concerne la ministre de la Jeunesse, des Sports et de l’Action civique, Niola Lynn Sarah Dévalis Octavius. L’ULCC l’épingle pour des « irrégularités » dans l’utilisation de 10 millions de gourdes destinées aux commémorations de la bataille de Vertières en novembre 2024.
Pour situer l’ampleur du scandale, ces 10 millions de gourdes représentent l’équivalent de plusieurs années de salaire pour un fonctionnaire ordinaire. Alors que de nombreux jeunes Haïtiens peinent à trouver des équipements sportifs décents dans leurs quartiers, ces fonds publics auraient été détournés de leur objectif initial.
Cette affaire résonne particulièrement dans la diaspora, où beaucoup de professionnels haïtiens envoient régulièrement de l’argent au pays, espérant contribuer au développement national. Voir ces ressources publiques gaspillées ne peut qu’alimenter leur frustration.
La TNH au cœur d’un nouveau scandale
Autre cas emblématique : celui de Gamall Jules Augustin, ancien directeur général de la Télévision nationale d’Haïti. L’homme se trouve actuellement en garde à vue suite aux révélations de l’ULCC sur sa gestion pour le moins douteuse de l’institution.
La TNH, cette télévision que connaissent bien les Haïtiens d’ici et d’ailleurs pour ses programmes culturels et ses émissions en créole, serait donc devenue une vache à lait pour son ancien patron. L’ironie est amère : l’institution censée informer le public sur la bonne gouvernance était elle-même rongée par la corruption.
Saint-Marc et Ouanaminthe également touchées
L’ULCC n’a pas fait de cadeau aux provinces. À Saint-Marc, le recteur de l’Université publique du bas Artibonite (UPBAS), Wilfrid Azarre, est dans le viseur pour des « irrégularités administratives et financières sérieuses ».
Plus au nord, à Ouanaminthe, trois projets sont sous la loupe : la rénovation de la place publique, la gestion du marché communal et celle du marché frontalier. Cette ville frontalière avec la République dominicaine, connue pour son intense activité commerciale, serait devenue le théâtre d’une « gestion opaque et potentiellement frauduleuse ».
« Aucune distraction ne marchera »
Face aux pressions qu’il dit subir, le directeur général de l’ULCC ne mâche pas ses mots : « Mon plan est de nettoyer l’État et ses mauvaises graines. C’est la mission que la loi nous a confiée. »
Me Hans Jacques Ludwig Joseph promet de travailler « sans parti pris, sans mauvaise influence », ajoutant que son institution est « majeure et vaccinée ». Une façon colorée de dire qu’elle ne se laissera pas intimider.
Avec 63 dossiers désormais transmis à la justice, l’ULCC semble vouloir rattraper des décennies de laxisme. Reste à voir si la justice haïtienne suivra le rythme et donnera les suites judiciaires nécessaires à ces enquêtes.
Pour les Haïtiens qui rêvent d’un État enfin au service du peuple, ces révélations sont à double tranchant. D’un côté, elles prouvent que des institutions comme l’ULCC prennent leur mission au sérieux. De l’autre, elles rappellent l’ampleur du travail qui reste à accomplir. La vraie question n’est plus de savoir si la corruption existe, mais si la justice aura le courage d’aller au bout de ces dossiers. L’avenir de la confiance des citoyens envers leurs institutions en dépend.