Depuis le 31 mai, impossible d’utiliser Mon Cash sans pièce d’identité. Digicel bloque tous les comptes non identifiés pour se conformer aux exigences de la BRH et lutter contre la fraude. Une révolution qui bouleverse les habitudes de millions d’utilisateurs haïtiens.
C’est un séisme dans l’univers des paiements mobiles en Haïti. Depuis le lundi 2 juin 2025, Digicel a officialisé ce que beaucoup redoutaient : tous les comptes Mon Cash anonymes sont définitivement suspendus. Fini le temps où l’on pouvait envoyer de l’argent ou effectuer des paiements sans décliner son identité.
Cette mesure drastique, effective depuis le 31 mai, marque un tournant historique pour le service de paiement mobile le plus utilisé du pays. Désormais, une pièce d’identité valide devient le sésame indispensable pour accéder à ses fonds.
La BRH impose sa loi
Cette révolution ne sort pas de nulle part. Elle s’inscrit dans une stratégie plus large pilotée par la Banque de la République d’Haïti (BRH) pour assainir le secteur financier numérique. Depuis juin 2024, le gouverneur Ronald Gabriel multiplie les circulaires pour encadrer strictement les services de paiement électronique.
Les nouvelles règles sont claires : toute entreprise offrant des services de paiement électronique doit obtenir l’autorisation préalable de la BRH. Plus question de naviguer dans les zones grises réglementaires. Banques, maisons de transfert, tous sont logés à la même enseigne.
« Nous avons le devoir de protéger nos clients, mais aussi de nous aligner sur les standards internationaux en matière de sécurité financière », explique Jean-Philippe Brun, directeur général de Digicel. Une déclaration qui sonne comme un aveu : l’époque de la liberté totale est révolue.
Vos sous bloqués ? Voici comment les récupérer
Pas de panique pour ceux qui se retrouvent avec leurs fonds gelés. La procédure de déblocage reste relativement simple : il suffit de se rendre dans un point de service Mon Cash agréé avec une pièce d’identité valide. Les équipes d’assistance sont également mobilisées via le 202 et les réseaux sociaux pour accompagner cette transition.
Mais attention : seuls les clients identifiés peuvent désormais effectuer des dépôts en espèces chez les agents Mon Cash. L’objectif avoué ? « Mettre fin aux transferts anonymes et réduire les pratiques frauduleuses qui minent notre système », selon le communiqué officiel.
Un impact majeur sur la diaspora
Cette mesure risque de bouleverser particulièrement les habitudes de notre diaspora. Combien de nos compatriotes à l’étranger utilisaient Mon Cash pour envoyer discrètement de l’argent à leurs proches restés au pays ? Combien de petits commerçants dépendaient de cette facilité pour leurs transactions quotidiennes ?
La réalité est que cette « mise aux normes » va obliger des milliers d’Haïtiens à sortir de l’ombre financière. Pour certains, c’est un gage de sécurité supplémentaire. Pour d’autres, notamment ceux qui préféraient la discrétion pour diverses raisons légitimes, c’est une contrainte majeure.
Entre sécurité et surveillance
Digicel présente cette évolution comme une opportunité de « bâtir un environnement où chaque transaction est sûre et chaque utilisateur protégé ». L’entreprise mise sur cette identification obligatoire pour proposer des services « plus personnalisés » et mieux comprendre les besoins de sa clientèle.
Mais cette traçabilité systématique soulève aussi des questions. Dans un pays où la confiance envers les institutions reste fragile, cette surveillance accrue des transactions financières ne risque-t-elle pas de pousser certains utilisateurs vers d’autres solutions, moins formelles ?
L’ère de la transparence forcée
Au-delà de Mon Cash, c’est tout l’écosystème financier numérique haïtien qui bascule vers plus de transparence. Cette évolution s’inscrit dans une tendance mondiale de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Mais elle marque aussi la fin d’une certaine liberté financière dont jouissaient jusqu’ici les utilisateurs haïtiens.
Cette révolution Mon Cash illustre parfaitement les tensions entre modernisation financière et préservation de la vie privée. Si l’objectif de sécurisation est louable, cette identification forcée va-t-elle véritablement réduire la fraude ou simplement pousser les activités suspectes vers d’autres canaux ? Pour des millions d’Haïtiens habitués à la simplicité de Mon Cash, l’heure est venue de s’adapter ou de chercher des alternatives. Une chose est sûre : l’époque des transferts dans l’anonymat total est désormais révolue. Êtes-vous prêts à sacrifier votre discrétion financière sur l’autel de la sécurité ?